294- RODIN/ ANSELM KIEFER

En 2017, le musée Rodin a célébré le centenaire de la mort de l'artiste avec cette alchimique combinaison "KIEFER-RODIN "


Vue de l'exposition. Courtesy musée Rodin.


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ANSELM KIEFER, AUGUSTE RODIN : LES CATHÉDRALES DE FRANCE, 2016, 330 X 380 CM, HUILE, ACRYLIQUE, ÉMULSION, GOMME-LAQUE ET PLOMB SUR TOILE, © ANSELM KIEFER, PH. GEORGES PONCET, COLLECTION PARTICULIÈRE

À l’heure du centenaire de la mort d’Auguste Rodin, le musée affirme plus que jamais sa programmation en lien avec les artistes contemporains et donne carte blanche à Anselm Kiefer. Investissant la salle d’exposition, l’exposition témoignera de la rencontre singulière de ces deux géants, pétris de liberté et affranchis de toutes contingences artistiques.
Les similitudes de parcours, de sources d’inspiration et de procédés créatifs de Kiefer et de Rodin mettent en évidence une originalité instinctive. Attirés par l’accident, disponibles au hasard, ils exploitent tous les domaines, manipulent toutes les matières, empruntent les chemins de traverses et s’autorisent autant d’agencements et d’audacieuses mutations. Attiré par les débris et abattis directement issus du ciment rodinien qu’il mêle aux reliques de sa propre vie et à d’autres matériaux inattendus, Anselm Kiefer réalise une série de vitrines totalement inédites. L’artiste ingurgite alors, assimile et digère pour engendrer ici des formes nouvelles. Sous le verre, Kiefer guette l’étincelle de ses métamorphoses. De la même manière, les moules des oeuvres de Rodin exhumés, fatigués et salis, verrouillés, brisés ou éventrés, témoignent d’une vie passée et d’une autre à venir. La forme y est prisonnière, préservée, prête à éclore, presque palpable, traversée, forcée et perpétuellement réinventée par le regardeur. En écho à cette présentation, le parcours du musée sera modifié afin d’exposer pour la première fois des plâtres de Rodin totalement méconnus, témoins des préoccupations communes aux deux artistes et des mêmes combats esthétiques. Si Kiefer et Rodin jouent de tous les supports, usent de toutes les techniques pour comprendre ou digérer l’héritage du passé et assouvir leur amour du métier, ils célèbrent avant tout leur culte commun du travail à travers une même quête, celle de la vérité, jamais embellie.( Musée Rodin)
Vue de l'exposition. Courtesy musée Rodin.


LES CATHÉDRALES DE FRANCE, livre
Auguste Rodin (1840 -1917) 
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LES CATHÉDRALES DE FRANCE, livre
Auguste Rodin, 1914, dont voici un extrait :

" NOTES SUR LE STYLE ROMAN

Le Gothique, c’est l’histoire de la France, c’est l’arbre de toutes nos généalogies. Il préside à notre formation, comme il vit de nos transformations. Il persiste dans les styles qui le suivent jusqu’à la fin du XVIIIe siècle. Ces styles sont ses déclinaisons.
Parce qu’il vient des Catacombes, des premiers chrétiens, qui vivaient dans des cryptes épaisses et cachées, le Roman est un style humble et sombre comme la naissance de la religion.
Le Roman est toujours plus ou moins la cave, la crypte lourde. L’art y est prisonnier, sans air. C’est la chrysalide du Gothique.
Comme l’exigeait l’ordre, cette chrysalide n’a que les formes essentielles qu’on verra s’historier dans l’être parfait. Elles sont d’une austère simplicité, avec un ourlet, une bordure de ceinture et des festons, ressautant autour d’une fenêtre pour repartir plus loin jusqu’à une autre fenêtre, et ainsi enguirlandant l’édifice. On retrouverait cette belle simplicité décorative dans la passementerie copte.
Le Gothique, même au temps de sa plus excessive prodigalité d’ornements, n’a jamais méconnu le principe roman. Il est français. Il succède au Roman comme la fleur succède au bouton. " Rodin " les cathédrales de France "extrait

Kiefer a été invité par le musée en 2013 à travailler sur l’ouvrage de Rodin Les cathédrales de France. A partir de celui-ci, il a créé plusieurs peintures monumentales de cathédrales ainsi que des « livres » dans lesquels il explore le motif de la femme, sensuelle et tentatrice, qui s’accapare le bâtiment église, dans un univers entre dévotion sacrée et jouissance profane, le tout mêlé aux expérimentations sur le marbre à la pointe du pinceau. Plus loin, dans le cabinet d’art graphique du musée, les figures féminines dessinées par Rodin et ses recherches sur l’architecture résonnent avec ce que Kiefer a voulu explorer au sein de l’exposition. De même, les décompositions systématiques de Kiefer, notamment dans ses vitrines ou bien la pratique intensive du moulage commune aux deux artistes, fait entrer en dialogue les pièces de l’exposition avec la salle du musée qui propose des plâtres exclusifs de Rodin.

Anselm Kiefer, en 2013, visite au musée Rodin les réserves, il y découvre les abattis de membres, pieds, mains, jambes, etc. qu’Auguste Rodin conservait en vue de possibles utilisations ultérieures.
À G. : ANSELM KIEFER, DIMANCHE DES RAMEAUX, 2016, VERRE, MÉTAL, PLOMB, PLANTE SÉCHÉE ET PLÂTRE // À D. : ANSELM KIEFER, DIE WALKÜREN (LES WALKYRIES), 2016, VERRE, MÉTAL, TISSU, PLÂTRE, ACRYLIQUE, PLOMB, ARGILE, ZINC ET FUSAIN, © ANSELM KIEFER, PH. GEORGES PONCET, COLLECTION PARTICULIÈRE
Il consacra également beaucoup de temps aux dessins érotiques du sculpteur qu'il transposa à plusieurs reprises dans le registre biblique en particulier dans les dessins et livres: « la conscience des pierres ».
Par ailleurs Anselm Kiefer entreprit quelques temps plus tard une visite prolongée des cathédrales de Chartres, Melun et Étampes.

ANSELM KIEFER, AUGUSTE RODIN : LES CATHÉDRALES DE FRANCE, 2016, 330 X 380 CM, HUILE, ACRYLIQUE, ÉMULSION, GOMME-LAQUE ET PLOMB SUR TOILE, © ANSELM KIEFER, PH. GEORGES PONCET, COLLECTION PARTICULIÈRE ( détail )
ANSELM KIEFER, AUGUSTE RODIN : LES CATHÉDRALES DE FRANCE, 2016, 330 X 380 CM, HUILE, ACRYLIQUE, ÉMULSION, GOMME-LAQUE ET PLOMB SUR TOILE, © ANSELM KIEFER, PH. GEORGES PONCET, COLLECTION PARTICULIÈRE

Avec Kiefer on observe toujours cette phase d’ingestion intellectuelle approfondie d’où vont éclore comme d’une matrice organique, mais aussi « algébrique », des hybridations aux maturations intellectuelles et physiques plus ou moins longues.« La réalisation d’un tableau est un va-et-vient constant entre le rien et le quelque chose. Une alternance incessante d’un état à l’autre » (A. Kiefer, L’art survivra à ses ruines, Paris, 2011).

AUGUSTE RODIN, ABATTIS : TÊTES ET PIEDS, PLÂTRE, MUSÉE RODIN, © AGENCE PHOTOGRAPHIQUE DU MUSÉE RODIN, PH. J. MANOUKIAN

Dans cette exposition cette exposition. Anselm Kiefer présente une quarantaine de pièces inédites composées de vitrines, livres et plusieurs grands tableaux de cathédrales.

Vue de l'exposition. Courtesy musée Rodin.

Vue de l'exposition. Courtesy musée Rodin.

Les vitrines fonctionnent toujours comme des reliquaires où les concepts se sont matérialisés de manière plus ou moins improbables. « Sursum corda » en est un exemple dans sa réutilisation du symbolisme de l’arbre et de l’échelle de Jacob.

Anselm Kiefer, "Sursum corda" - , Paris, Musée Rodin
© Anselm Kiefer, ph. Georges Poncet,collection particulière - A droite

 Anselm Kiefer Marmorklippen 2014 © Anselm Kiefer ph. Charles Duprat collection particulière.

 Anselm Kiefer Marmorklippen 2014 © Anselm Kiefer ph. Charles Duprat collection particulière.

Anselm Kiefer Marmorklippen 2014 © Anselm Kiefer ph. Charles Duprat collection particulière.

Les tableaux de cathédrales métissent, dans la matérialité habituelle de Kiefer, les tours, mastabas ou ziggurats de Barjac et des réminiscences de diverses cathédrales françaises. La corrélation était inévitable pour Anselm Kiefer, entre la Tour de Babel qui prétend atteindre les cieux et la transcendance des cathédrales. Le lien « matriciel » est trop puissant pour qu’il ne « germe » pas.
Ici Auguste Rodin est davantage un ferment à « idées » que le partenaire d’une confrontation. Il y a cependant quelques exceptions: par exemple la reprise dans « Berthe au grand pied » d’abattis ou les livres inspirés des dessins et aquarelles érotiques de Rodin.
dans le cabinet d'art graphique, se trouve "Les cathédrales de France" dans son édition originale. À côté des dessins de Rodin où les architectures se mêlent aux figures féminines, et aussi à celle de son Balzac, qu'il a conçu "comme la cathédrale qui s'impose dans la ville", selon la commissaire.



Anselm Kiefer Marmorklippen 2014 © Anselm Kiefer ph. Charles Duprat collection particulière.

Des aquarelles d'Anselm Kiefer qui associent nu féminin et architecture, sur du carton enduit de plâtre. L'architecture s'efface par la suite, sur des pages à l'aspect marbré (hommage au marbre de Rodin), ne restent que les corps féminins, qui répondent aux aquarelles érotiques de Rodin qu'on verra dans la deuxième partie de l'exposition, à l'étage de l'hôtel Biron.

Autre élément récurrent dans l'œuvre d'Anselm Kiefer avec les livres, les vitrines qui mélangent les matériaux. Le plâtre est omniprésent dans celles qu'il a imaginées pour l'exposition : de moules de sculpture semblent jaillir une feuille de plomb ou des végétaux, eux-mêmes couverts de plâtre. Mais ailleurs, c'est depuis une épaisse couche de terre que s'élèvent une étroite échelle métallique et un buisson sec. En dessous reposent des membres en plâtre, comme des ossements.


Anselm Kiefer Marmorklippen 2014 © Anselm Kiefer ph. Charles Duprat collection particulière.

LES CATHÉDRALES DE FRANCE, livre d'Auguste Rodin, 1914, dont voici un extrait du chapitre intitulé " Sculpture " éditions Armand Colin, 1914 (p. 154-157). 
" SCULPTURE
Le dessin de tout côté, en sculpture, c’est l’incantation qui permet de faire descendre l’âme dans la pierre. Le résultat est merveilleux : cela donne tous les profils de l’âme en même temps que ceux du corps.
Celui qui a essayé de ce système est à part des autres.
Ce dessin, cette conjuration mystique des lignes qui captent la vie !
Ces choses ont été connues. Elles nous appartiennent comme elles appartenaient aux anciens, aux Gothiques, aux Renaissants. Elles nous reviennent.
Réalité de l’âme que l’on peut mettre dans une pierre, que l’on peut emprisonner pour les siècles ! C’est notre désir de posséder, d’asservir et d’éterniser que nous mettons sur ces yeux, sur cette bouche qui vont vivre et parler.
Ne connaîtrions-nous pas la géographie de notre corps ?
Ce sein est amené par des pentes éloignées qui tournent insensiblement. Tout s’appuie sur des formes générales qui s’entre-prêtent leurs lignes et sont tissées les unes des autres. C’est un concert de formes.
Là l’intelligence observe leur concordance, leur unité, les soupèse. Concordances moins éloignées que nous ne croyons : car nous avons tout divisé par l’esprit, sans pouvoir reconstruire.
Cette forme première de l’intelligence, cette synthèse appartient à peu de gens. La comprend mal celui qui ne l’a pas trouvée par lui-même.
On nous enseigne les choses comme si elles étaient divisées, et l’homme les laisse divisées. Rares ceux qui consentent le patient effort qu’il faut pour les rassembler.
Le secret d’un bon dessin est dans le sens de ses concordances : les choses s’élancent les unes dans les autres, se pénètrent et s’éclairent mutuellement. — C’est la vie.
Le sculpteur fait une description successive de ces choses sans perdre le sens de leur unité.
Qu’il n’y ait pas de suture, que tout se présente comme un dessin fait d’un coup.
N’oubliez pas que le style, en dessin, c’est l’unité, obtenue par l’étude et non par une sorte d’inspiration idéale. C’est la patience, en un mot, qui est la sculpture.
Voyez-vous cette grâce qui se précipite et remplit tout de ses charmes ? C’est l’architecture animée du XVIIIe siècle, c’est l’ornement, que l’on méprise à tort, car, ce style orné, c’est la synthèse même de l’architecture.
Le soulevé, effet magnifique du modelé, paraît multiplier les saillies tout en affirmant, tout en augmentant la simplicité. Mais cet effet serait illusoire si ce « passage » ne s’arrangeait avec tous les autres. C’est l’unité qui est le modelé, et le sculpteur se trompera toujours s’il n’y sait pas réduire ce protée de femme ! Il n’obtiendra l’unité, il ne l’arrachera qu’en faisant la somme des profils.
Dans les marbres antiques, toutes les saillies s’arrondissent, les angles sont camardés. Les courbes ont été interprétées par les Grâces. Nul autre peuple que le peuple grec n’a eu cette souplesse vitale, cette jeunesse. La France a eu la finesse, l’esprit ; peut-être cette suprême ardeur du modelé attendri lui a-t-elle manqué. Il arrive parfois, dans la sculpture française, que le délicieux soit pauvre, que le délicat manque de profil et l’ineffable de réalité ; le voluptueux est en excès. — La vertu de la forme est plus sévère, plus tranquille, normale comme les cieux.
Il n’y a pas de dureté dans le marbre grec, ce patron des patrons. En remplissant les creux, en adoucissant ces saillies inutiles, gênantes, puisque l’atmosphère éternelle finirait toujours par les user, l’artiste grec est parvenu à cette forme qui participe à l’ambiance, à cette atmosphère elle-même. Il travaillait avec une ardeur fiévreuse, mais lucide, et ne se laissait pas entraîner à trahir la nature par le creux, le pauvre, le froid. Ainsi a-t-il réalisé cette œuvre d’immortalité que l’artiste moderne découvre, comprend, à force d’étude et de patience, vingt ans après l’avoir vue pour la première fois : et alors il peut, lui aussi, défier le marbre et dédier son œuvre aux poètes
Louvre. — La forme du nu divin ! Mes souvenirs, avec un respect voluptueux, retournent sans cesse à la Vénus de Milo, nourrice de mon intelligence.
C’est la perfection de ces membres polis qui me revient à l’esprit quand je pense à ces vastes salles ornées de ces précieux marbres. Il y avait là l’empreinte sacrée du temple ; elle persiste. J’ai connu là cette forme auguste que je vois au nu, je me suis épuré avec elle, elle a rempli ma vie, mon âme, et mon art qui sera la dernière ressource de mon âme, ma dernière pensée.
Le modelé est une puissance ravie par l’étude à la loi des effets du soleil. Ainsi animée, cette puissance participe à la vie, s’insinue dans l’œuvre comme le sang pour y faire circuler la beauté.
Ce n’est pas là une étude morte, que l’on puisse abandonner et reprendre à volonté. Quand la tradition est une fois perdue, c’est pour longtemps : nous en savons quelque chose, nous que l’anarchie actuelle épouvante, nous qui voyons les chefs-d’œuvre tomber sous la pioche des imbéciles et que tyrannise la majorité ignorante.
… Mais les ignorants n’ont-ils pas droit à la vie ? N’ont-ils pas, même, leur utilité dans la vie générale ? Ne sont-ils pas chargés de faire la nuit où doit rentrer le dôme, la flèche ?…
— Oui.
Dans les Tanagras, il y a la nuance féminine ; la discrète grâce de ces membres drapés qui expriment le retrait de l’âme. Nuance que les mots ne sauraient dire.
Plus que tout, l’Égyptien m’attire. Il est pur. L’élégance de l’esprit s’enguirlande à toutes ses œuvres. " 
LES CATHÉDRALES DE FRANCE, livre d'Auguste Rodin, 1914, dont voici un extrait du chapitre intitulé " Sculpture " éditions Armand Colin, 1914 (p. 154-157). 



BnF. Exposition, Anselm Kiefer, "l'alchimie du livre". Anselm Kiefer Marmorklippen 2014 © Anselm Kiefer ph. Charles Duprat collection particulière.

La rencontre entre Rodin et Anselm Kiefer est née autour d'un projet de réédition d'un livre que Rodin a publié en 1914, "Les Cathédrales de France", raconte la commissaire de l'exposition, Véronique Mattiussi. Cet ouvrage, édité trois ans avant sa mort, est comme un testament artistique. Beaucoup traduit et souvent réédité, il est pourtant méconnu et très peu lu car "très difficile à appréhender, difficile à comprendre parce que Rodin y met des choses très personnelles et il faut très bien connaître sa vie" pour pouvoir le déchiffrer. Ce livre "compte énormément pour Rodin : on sent qu'il a envie de s'imposer en tant qu'intellectuel" et pas seulement en tant qu'artiste.

Le musée à cette occasion et dans le cadre du centenaire du sculpteur a exhumé une œuvre récemment restaurée d'Auguste Rodin: l'Absolution. Un plâtre singulier dans le corpus de Rodin, au sujet d'inspiration romantique et exprimé de manière très littérale, mais le groupe est étrangement déséquilibré et brisé, avec un drap très expressif posé sur l'ensemble. 


L'Absolution A. RODIN S.3452 Plâtre et tissu H. 190 cm ; L. 95 cm ; P. 75 cm Paris, musée Rodin © agence photographique du musée Rodin - Pauline Hisbacq.

un inédit de Rodin, "Absolution", a été restauré pour l'exposition. Il s'agit d'un assemblage unique de trois figures agrandies par le sculpteur, le Torse d'Ugolin, la Tête de la Martyre et la Terre, unies dans un baiser et couvertes d'un grand tissu. "Une œuvre sans précédent et sans équivalent dans la carrière de Rodin, qu'il n'a jamais exposée", commente Véronique Mattiussi. Le sculpteur a souvent revisité son œuvre en assemblant des pièces, en les fragmentant. Dans cette œuvre "mystérieuse", "dont on ne sait rien", il le fait par le biais de l'agrandissement, précise-t-elle.

Kiefer-Rodin, Cathédrales. L’artiste contemporain allemand Anselm Kiefer confronte son travail à celui du célèbre sculpteur.
Vue de l'exposition. Courtesy musée Rodin.
Car Rodin est une véritable star dont le seul nom agit dans le monde entier comme un sésame. "Rodin suscite immédiatement des réactions d'enthousiasme. Mon étonnement, c'est de voir à quel point il touche toutes les cultures, toutes les origines sociales. Il y a peu d'artistes comme ça", souligne Catherine Chevillot, la directrice du Musée Rodin.
Vue de l'exposition. Courtesy musée Rodin.
Pour l’exposition Kiefer-Rodin , Anselm Kiefer a créé plusieurs dizaines d’oeuvres : livres, peintures et vitrines. En parallèle, le musée a réuni des sculptures rares de Rodin dont l’inédite Absolution en plâtre et tissu. "On a sorti des réserves des oeuvres parfois mutilées, fragmentées, qui répondent parfaitement à l'esthétique et aux préoccupations d'Anselm Kiefer et qui n'ont, à ce jour, jamais été présentées au public", explique la commissaire de l’exposition, Véronique Matiussi
Vue de l'exposition. Courtesy musée Rodin.

Vue de l’œuvre d’Anselm Kiefer au musée Rodin. Anselm Kiefer, « Auguste Rodin : les Cathédrales de France », 2016, 380 x 380 cm, huile, acrylique, émulsion, gomme-laque et plomb sur toile.


LES CATHÉDRALES DE FRANCE, livre d'Auguste Rodin, 1914, dont voici un extrait du final intitulé " Le testament " éditions Armand Colin, 1914 (p. 134-136).
" C’est dans mes dernières minutes que je parle, pour ranimer et faire réapparaître les siècles passés. Je suis comme un souffle dans un clairon qui grandit le son.
Je me résigne à la mort de ces édifices comme à la mienne.
Je fais ici mon testament.
Ce sont les lois de l’instinct que j’exprime. Elles n’ont pas besoin de la grammaire, nourrice des enfants.
Ce livre ne dissèque pas la Cathédrale ; il la montre, vivante, à la vie.
De l’esprit sur un fond d’intelligence : beau bas-relief.
L’intelligence dessine, mais c’est le cœur qui modèle.
L’ignorant, l’indifférent, rien qu’en les regardant détruit les belles choses.
L’homme se plaît à vivre sur le bord de ses rêves et il néglige les réalités, si belles !
Une vieille femme, courbée, lève la tête et me regarde ; puis elle continue de glaner, par petites poignées. Moi aussi, je suis un glaneur, le glaneur heureux de l’ancien temps, ou plutôt l’élève, le vieil apprenti des fiers compagnons d’autrefois. Ne vois-je pas partout autour de moi, dans le démenti que leur donne notre siècle, la preuve qu’ils avaient raison ?
La race retourne à sa source ! Comme je sens en moi la joie de ces artistes d’il y a des siècles, et leur naïveté féconde ! Cœurs sensibles, qui trouvaient dans l’art, non pas un luxe, mais le principe même de leur vie.
Ah ! le Secret ! Tout le monde ne l’aime pas. Je ne demande pas, moi, « plus de lumière », comme Gœthe : je ne veux pas perdre le bénéfice de la grotte merveilleuse où sont toutes les Mille et une Nuits ; je m’y arrête.
La prodigieuse beauté recouvre tout, comme un tissu, comme une égide.
Il n’y a pas de chaos dans le corps humain, modèle de tout, départ et aboutissement de tout.
La répétition et la régularité constituent le fond des belles choses. C’est une loi. Le Roman et le Gothique en sont esclaves : colonnes, balustres extenseurs, ces moulures…
Le balustre et la dentelle sont gothiques. Plus tard de nombreux cartouches remplaceront le trèfle gothique dans le tympan.
Qui peut croire au progrès ? Le temps, comme la terre, monte et descend, son ellipse charrie au cours d’un siècle le siècle précédent, en bien et en mal, en jour et en nuit. Il y a longtemps que nous serions des dieux si la théorie du progrès indéfini était vraie.
J’aime l’effort de l’homme, qui s’augmente continuellement par de régulières répétitions. Ce mouvement répété, c’est l’ordonnance d’une bataille, et ce sont ces colonnes de la Cathédrale qui décuplent leur grâce en se suivant, en s’unissant."