156-MARCEL DUCHAMP , LA MARCHE DU NU




Marcel DUCHAMP, 1887/1968, Nu descendant l'escalier n° 3, 1912 photographie grandeur nature colorée par l'artiste, 147 x 89,2 cm, Philadelphia Museum of Art, Philadelphie
Louise and Walter Arensberg Collection. 
Marcel Duchamp entame la composition du Nu descendant un escalier en novembre 1911, alors qu'il travaille au milieu d'une communauté d'artistes, le groupe de Puteaux : il commence par une série d'esquisses, ayant comme source possible du motif principal une femme nue descendant un escalier, dessin illustrant  un poème de Jules Laforgue ' Encore à cet astre ".et Marcel Duchamp finit par livrer deux versions. C'est la seconde, la plus aboutie, qui fut exposée.
Mais il y aura  trois versions du Nu descendant un escalier, la troisième étant une photographie de la seconde version, colorée à la main et commandée à Duchamp par le couple de mécènes Arensberg, grand collectionneur de l'artiste.
Appartement du couple Arensberg avec "Nu descendant un escalier n°3"coloré par Marcel Duchamp



Nous pouvons alors voir dans le Nu descendant un escalier n°1, n°2 et n°3, l’objet qui est le nu n°2, sa reproduction photographique qui est le nu n°3 et sa définition dans l'esprit de Duchamp qui est le nu n°1. Le signe, le signifiant et le signifié , où Marcel Duchamp semble, avant la réalisation des Ready made, avoir décomposé les niveaux sémantiques que les conceptuels vont développer.

Figure majeure de l’art conceptuel, Joseph Kosuth est aussi l’un des principaux théoriciens du mouvement. En 1969, dans un article célèbre intitulé « L’Art après la philosophie », il explique que Marcel Duchamp est pour lui la charnière entre « la “fin” de la philosophie et le “début” de l’art » : « Avec le readymade non assisté, l’art cessait de se focaliser sur la forme du langage, pour se concentrer sur ce qui était dit […]. Ce changement – un passage de l’“apparence” à la “conception” – fut le commencement de l’art “moderne” et le début de l’art “conceptuel”. Tout art (après Duchamp) est conceptuel (par sa nature), parce que l’art n’existe que conceptuellement. » One and Three Chairs , qui met en scène un objet choisi pour sa banalité, reprend le readymade là où Duchamp l’avait laissé ; il l’enferme dans une démarche tautologique, se référant en partie aux écrits et déclarations d’Ad Reinhardt du début des années 1960 – « L’art en tant qu’art n’est rien que l’art. L’art n’est pas ce qui n’est pas l’art » (dans « L’art en tant que tel »). L’objet, présenté entre sa reproduction photographique et sa définition dans le dictionnaire, perd, parmi ses doubles, le formalisme qui était encore le sien, et se voit ainsi efficacement réduit à son seul concept. C’est avec la série des « Proto-Investigations », reposant sur ce principe de triptyque , que Joseph Kosuth apparaît sur la scène artistique.
Christine Macel 


 Les 3 versions du Nu descendant un escalier se déroulent dans le temps de la marche et nous pouvons y voir :


Joseph KOSUTH born 1945 Clock (One and Five), English/Latin Version 1965 Medium Clock, photograph, colour, on paper and printed papers
Dimensions Support: 610 x 2902 mm
CollectionTate

ce travail comprend : une horloge à l’heure , une photographie de celle-ci à l’échelle réelle, et des définitions issues du dictionnaire Anglais/latin des mots “ time”, “ machination “ et “ object”.
Joseph Kosuth est intéressé par la linguistique anthropologique et les effets du du langage sur notre manière de voir et de représenter le monde, dans cette oeuvre nous pouvons aborder les différents temps de la façon suivante :
Le temps réel est l’horloge, Le temps représentéest la photo de l'heure sur l’horloge au moment de la prise de vue, Le temps exprimé est la différence d’heure / le temps écoulé, Le temps suggéré sont les définitions en différentes langues, Le temps symbolisé est l’ensemble de l’œuvre


Nous pouvons alors voir dans le Nu descendant un escalier n°1, 2 et 3, le cheminement le long des jours, le mouvement de la vie ,vers la mort, les cycles

Bill VIOLA, 1951, Going forth by day 2002, Cycle d'images projetées en cinq parties différentes. Ces parties explorent les thèmes de notre existence, la société, la mort , l'individualité, la renaissance. Dans la deuxième séquence, nommée "Le Chemin" ( the path),des gens, en continu, se déplacent dans une forêt , leur valise à la main, comme le cheminement de la vie avec pour tout bagage soi-même, en marche vers notre fin, un lien peut être fait avec la peinture d'Ucello

Paolo UCCELO.(1397-1475) Chasse nocturne (v. 1460) détrempe sur bois, 65x 165 cm, Ashmolean Museum, Oxford, England

Bill VIOLA, 1951, Going forth by day 2002, Cycle d'images projetées en cinq parties.Dimension de la pièce 5,20 x 19,50x 8,15 m. Durée :5x35'L'installation vidéo-projetée comprend 5 thèmes: Naissance de feu, Le chemin, le déluge, le voyage et première lumière.

Bill VIOLA, 1951, Going forth by day 2002, Cycle d'images projetées en cinq parties.Dimension de la pièce 5,20 x 19,50x 8,15 m. Durée :5x35', Installation vidéo projetée, détail de la partie " Le chemin " 

Bill VIOLA, 1951, Going forth by day 2002, Cycle d'images projetées en cinq parties.Dimension de la pièce 5,20 x 19,50x 8,15 m. Durée :5x35', Installation vidéo projetée, vue de la partie " Le chemin " 


Le temps de la marche du Nu est ce mouvement dans l'espace qui fait de la marche et donc du Nu descendant un escalier, une sculpture

 

Richard LONG, A Line made by Walking England 1967,
1967, photographie noir et blanc

 


Une autre forme d’œuvres au moyen de laquelle Richard Long rend visible pour le spectateur sa pratique artistique de la marche est la présentation de cartes sur lesquelles sont inscrits les tracés de ses marches Carte, Marche de quatre heures et de quatre cercles, 1971


en 1976, à l’initiative de George Maciunas 1931 à Kaunas, en Lituanie mort en 1978 à Boston), des membres du groupe FLUXUS réalisent Flux-Tours, 1976 : promenade collective dans le quartier de Soho à New York, qui parodiait une visite de groupe touristique, comme l’indiquent le titre et la casquette de guide que l’on voit sur les photos documentaires de l’événement (sur la photo présentée ici, la casquette est portée par Nam June Paik (artiste sud-coréen né en 1932 à Séoul et mort en 2006 à Miami)).
le temps réel est l’action à l’oeuvre, Le temps de la réalisation est le corps en marche, créateur du temps et du mouvement dans l’espace, la photographie est le témoignage du temps de la marche du Flux-Tours, 1976


André CADERE (artiste roumain né en 1934 à Varsovie et mort en 1978 à Paris). De 1972 à 1978, 
Cadere marche régulière- ment dans les rues en portant un de ses bâtons nommés Peinture sans nom. Chacun de ces bâtons Peinture sans nom est fait à la main par Cadere selon des critères de dimensions précis et un code de couleurs sériel.



Francis ALŸSl est un artiste belge, né en 1959 à Anvers, installé à Mexico depuis le milieu des années 1980. Chaussures Magnétiques 1994



à l’occasion d’une biennale artistique à La Havane, Francis ALŸSl a arpenté les rues de la ville avec aux pieds des chaussures aimantées, qui collectaient les résidus métalliques jonchant son chemin. L’action a fait l’objet d’une vidéo et de photographies, elle s’intitule Zapatos Magneticos

Quasiment toute l'œuvre de Francis ALŸSl est constituée à partir de son positionnement de piéton dans la ville. Il accomplit des interventions dans l’espace public des villes, principalement dans les grandes villes actuelles 

En 1976, on informait le cinéaste allemand Werner HERZOG que son mentor, l’historienne du cinéma Lotte EISNER, très malade, était hospitalisée à Paris dans un état grave, et qu’elle risquait de mourir. Herzog voulut décider qu’il était impossible qu’elle meure à ce moment-ci, et postula que s’il marchait de Munich, où il vivait, jusqu’à Paris, où Lotte Eisner était hospitalisée, celle-ci ne serait pas morte lorsqu’il arriverait à Paris et qu’elle vivrait encore quelques années. Il accomplit ce trajet à pied pendant trois semaines, au cours d’un rude hiver, dormant dans des maisons inoccupées dont il forçait les portes. Ce fut un voyage très éprouvant physiquement mais, lorsqu’il parvint à Paris, la santé de Lotte Eisner s’était améliorée. Elle ne mourut que quelques années plus tard, en priant Herzog de la laisser mourir, cette fois-ci (le journal que tint Werner Herzog au cours de cette marche de trois semaines est publié en français sous le titre Sur le Chemin des glaces, chez Payot et Rivages).

Eadweard Muybridge, nu en mouvement