160-LOUISE BOURGEOIS, LE CORPS D’ARTÉMIS


le rapport au corps en tant que synthèse fétiche, placé au cœur d’un féminin éminemment transgressif, est devenue avec Louise Bourgeois une icône de l'Antiquité, ouvrant la voie à une réflexion très actuelle sur l’intégrité corporelle et l’identité sexuelle. Pulvérisant les catégories l'oeuvre de Louise Bourgeois n'est ni objet ni sculpture, elle se constitue en organisme hybride, polymorphe, et en instrument manipulable et transformable à l’infini.


Louise BOURGEOIS, 1911–2010 FRANCE/USA,Blind Man's Buff1984 white marble on wooden base Overall: 92.70 x 88.90 x 63.50 cm

Louise BOURGEOIS, 1911–2010 FRANCE/USA, Mamelles, 1991 cast 2001 , Pigmented urethane rubber, wall relief, 48.3 x 304.8 x 48.3 cm. Courtesy Cheim & Read and Hauser & Wirth, Photo: Lee Stalsworth. 
les sculptures de Louise BOURGEOIS peuvent être reliées à la déesse Artémis d’Éphèse
L’Artémis éphésienne est le fruit d’un métissage. La raison est que le culte d’Artémis, introduit par les Grecs qui peuplèrent une partie de la côte au début du premier millénaire av. J.-C., s’est fortement transformé et s’est substitué au au contact des divinités d’Asie Mineure où Éphèse est situé (en actuelle Turquie).


 Artémis d’Éphèse, Salle d’Artémis, Musée archéologique d’Ephèse.

La déesse est représentée en ronde bosse. Elle est enfoncée dans une sorte de fourreau allant jusqu’aux pieds, encrée dans le sol, enracinée à la Terre mère. Ce fourreau est orné d’un quadrillage dans lequel figurent des animaux de toutes espèces : cerfs, sangliers, fauves, abeilles, chèvres, taureaux, chevaux, griffons. Ses bras sont à l’angle droit en signe d’accueil, ornés de cordelettes et laine et de petites sculptures de lion regardant son visage. Quant à son buste qui la rend si célèbre, il est orné d’un collier à pendentifs et sa poitrine est recouverte de protubérances qui lui ont valu le surnom de polymastos (« aux multiples seins »).

Copie romaine de l’Artémis d’Ephèse, IVe siècle avant J.-C, Galerie des Candelabres, Musées du Vatican.

Les récits de PAUSANIAS,( géographe et voyageur de l'Antiquité, né en Anatolie vers l'an 115, il meurt à Rome aux alentours de l'an 180) apporteraient des analogies intéressantes quant à la figure d’Artémis arcadienne (de la région de l’Arcadie dans le Péloponnèse). Il y décrirait une statue dont il ne reste aujourd’hui que des fragments dans le temple de Lycosoura ; temple érigé en l’honneur de la fille de Poséidon, Despoina. Il reconnait alors la figure d’Artémis, tenant d’une main une torche et de l’autre deux serpents et remarqua des attributs qui lui permis de confirmer son identité : le port d’un carquois et la présence d’un chien de chasse assis près d’elle ; une figure postérieur à Artémis datant d’avant l’antiquité puisqu’elle est de l’Âge du Bronze égéen. Ce serait la figure « ancestrale » de Diane : La déesse aux serpents.

Déesse aux serpents de Cnossos, 1600 BC,faïences polychromes, 29,5 cm, Musée de l’Héraklion, Crète

Cette déesse cnossienne est l’ancêtre de diverses déesses et portait le nom de Britomartis, Ariane, Artémis et Hécate en Crète. Ses attributs sont la torche et les serpents, attribut que portent l’Artémis arcadienne ce qui la rapproche donc à cette déesse cnossienne. De même elles remplissent les mêmes fonctions : déesses de la fertilité et de la Nature avec des attributs, bien que paradoxaux, qui sont à la fois la chasteté et la fécondité
Déesse aux serpents de Cnossos, 1600 BC,faïences polychromes, 34,2 cm, Musée de l’Héraklion, Crète

Jean FOUQUET, (né vers 1420 peut-être à Tours (France) et mort entre 1478 et 1481, probablement dans la même ville), est considéré comme l'un des plus grands peintres de la première Renaissance et le rénovateur de la peinture française du XVe siècle. Dyptique de Melun, Etienne Chevalier présenté par saint Etienne Vierge et l'enfant entourés d'anges , Espacement des panneaux estimé par la perspective. Autrefois à la collégiale Notre-Dame de Melun, dans le chœur, réalisé entre 1452 et1458, huile sur toile, 120 × 224 cm (47.2 × 88.2 in), Le diptyque est conservé dans la même église jusqu'au XVIIIe siècle avant d'être vendu sans doute dans les années 1770 et dispersé. Les deux panneaux sont aujourd'hui conservés au musée des beaux-arts d'Anvers pour le volet droit, et à la Gemäldegalerie de Berlin pour le volet gauche ; l'autoportrait de Jean Fouquet est conservé au musée du Louvre.
On a souligné maintes fois l'espèce d'érotisme glacé dégagé par le volet droit de cet étrange tableau. Le fait que Jean FOUQUET ait représenté la Vierge sous les traits d'une maîtresse royale a pu choquer. Les mobiles qui ont conduit à ce choix nous échappent encore aujourd'hui. Il fallait qu'ils fussent bien puissants et qu'ils aient eu l'approbation du roi, pour qu'un homme avisé et prudent comme l'était le trésorier de France ait osé braver l'opinion dans un lieu sacré et public en se faisant représenter en prière devant l'effigie de la belle Agnès transformée en Vierge Marie. Car c'est bien Agnès Sorel qu'il faut reconnaître, à n'en pas douter, dans le tableau d'Anvers, cette Agnès dont bien des témoignages du temps ont célébré la beauté et, mieux que la beauté, le charme et l'influence bénéfique qu'elle exerça sur Charles VII. 

Ces attributs paradoxaux de chasteté et de fécondité de l’Artémis d' Éphèse, de la Déesse aux serpents de Cnossos sont également les attributs de la Vierge Marie dans le Dyptique de Melun de Jean FOUQUET attributs qui ont été ensuite déployés sur la mariée et ses signes à la fois de pureté et future maternité dans la Robe de mariée de Vivien Westwood,

Vivien WESTWOOD,1941 UK Styliste, Robe de mariée portée par Kate Moss, Collection automne hiver 1994