157-MARTIN MARGIELA, LES MASQUES




L'ANONYMAT, LE THÉÂTRE, LES FÊTES


La tradition théâtrale dans la civilisation romaine remonte à l’Antiquité. En effet, s’inspirant de ce qui se faisait dans l’Empire grec de l’époque, l’Empire Romain va s’approprier certains de ces éléments et les adapter à son public . Ainsi durant le XIVe siècle, va se développer la Commedia dell’arte qui a donc comme ancêtres les comédies latines du III ème siècle : les atellanes et les pantomimes, l’une étant des pièces qui avaient pour but de faire rire et l’autre étant de s’exprimer à l’aide de mimique du corps, que l’on retrouvait durant la Rome antique. Pour devenir une forme d’art moderne, elle va aussi emprunter les costumes ainsi que les masques que l’on retrouve à l’époque dans les carnavals. La commedia dell’arte est donc une nouvelle forme d’art dramatique qui mélange improvisation, comédie, et une bonne maîtrise du corps, car c’est par ce dernier que l’acteur va le plus souvent s’exprimer
Même si les acteurs sont, au début surtout, des troupes itinérantes qui vont aller se produire dans différentes villes, il n’en reste pas moins qu’il s’agit d’une forme d’art professionnel, puisque son nom signifie en italien « les hommes de l’art ». Il est aussi connu sous d’autres noms, par exemple commedia al improviso, étant donné que les acteurs vont le plus souvent improviser au lieu d’apprendre un texte par cœur, ainsi que commedia a soggetto, c’est-à-dire la « comédie à sujet » puisqu’il s’agit du seul élément qui ne change pas, le restant étant souvent imaginé par les acteurs



masque de céramique 19ème, Venise

Le Carnaval de Venise est depuis le Xème siècle une célébration exécutée par l’ensemble de la population . Le masque est un élément essentiel du carnaval et il est devenu une continuité et une variante des éléments de costume de la Comedia dell ‘arte
Les costumes et personnages les plus répandus :

La Bauta Ce costume vénitien traditionnel est porté autant par les hommes que par les femmes. Il est constitué d’un masque blanc, la larva ou le volto, d’une longue cape noire, le tabarro et d’un tricorno, un chapeau de forme triangulaire. Ce costume était très utilisé car il garantissait le parfait anonymat. La forme du masque permet d’ailleurs de manger et de boire sans devoir l’enlever.

Arlequin Le plus ancien costume vénitien reconnaissable à ces losanges multicolores. C’est un personnage type de la Commedia dell’Arte. Ce type de théâtre est l’ancêtre de l’improvisation que l’on connaît aujourd’hui. On ne jouait pas la pièce à partir d’un texte appris par cœur mais simplement d’un scénario donné et les acteurs improvisaient.

Gnaga Impossible de passer à côté de ce costume composé d’habits féminins et d’un masque de chat qui ne recouvre que la partie supérieur du visage. Il était principalement utilisé par des hommes voulant se déguiser en femme.

Moretta Un masque qui rend son porteur muet puisqu’il tient sur le visage grâce à un bouton tenu avec la bouche.

Dottore della peste (le docteur de la peste) A l’origine, ce costume n’en était pas un puisque c’était l’habit des médecins vénitiens à l’époque de l’épidémie de peste. Son long nez pouvait contenir des herbes ou une éponge imprégnée de vinaigre pour éloigner ou tenter d’éloigner la puanteur.

Pierrot Le visage blanc et son costume large font de Pierrot un personnage attachant. Il est aussi présent dans la Commedia dell’Arte et c’est le rival d’Arlequin.

Mais le Carnaval de Venise est une combinaison d'éléments culturels provenant de l'Orient , du manuscrit persan et indien du 9ème siècle des Mille et une nuits avant d' intégrer des personnages de la Comedia d'ella arte.


masque du 17 ème, Venise

masque du 19eme, Venise

masque d' Arlequin, Venise


Carnaval de Venise

Carnaval de Venise

Carnaval de Venise
Carnaval de Venise


L'ANONYMAT DU COLLECTIF MARTIN MARGIELA

photo du collectif Maison Martin Margiela, par le studio Martin Margiela
Bâtie par un homme à la discrétion légendaire, Maison Martin Margiela continue de pousser ses expérimentations avant-gardistes entre mode et design.

Ses points importants : le blanc, le recyclage, le détournement, le trompe-l’œil, les blouses blanches, l’anonymat.
Ses moments phares : le premier défilé, le lancement de la collection Artisanal, le départ de Martin Margiela.
Diplômé de l’Académie royale des beaux-arts d’Anvers, Martin Margiela assiste Jean-Paul Gaultier avant de fonder sa marque en 1988. Sa maison de couture est alors singulière, mettant en avant le travail collectif plutôt que le seul geste du créateur, et prenant le contre-pied des tendances marketing : pas de logo, pas de publicité mais des mannequins au visage caché.

Étiquette anonyme sans marque ni logo des produits Martin Margiela

Martin Margiela est un créateur secret : pas de photo, pas d’apparition publique ni de salut à la fin de ses défilés. Il ne donne ses interviews que par fax et ne s’exprime jamais en son propre nom. La maison n’a d’ailleurs jamais réalisé de campagne de pub ce qui explique un peu pourquoi seuls les mordus de mode le connaissent. Cette démarche d’anonymat est justement l’essence de son concept de marque.
La signification des étiquettes des produits Martin Margiela

Le créateur, qui a toujours fuit la presse et ne s’exprime que par communiqués envoyés par fax, fait de l’anonymat l’une des caractéristiques essentielles de la marque. L’utilisation fréquente du du fameux « blanc de Meudon » aussi bien dans les défilés que dans les lieux de vente et dans la tenue du personnel, vêtu sur son lieu de travail d’une blouse immaculée, exprime à elle-seule la volonté d’éviction de l’individualité au profit de la collégialité.
De 1997 à 2003, le créateur belge officie aussi à la maison Hermès, tout en gardant l’anonymat.

La première ligne de prêt-à-porter féminin Maison Martin Margiela défile au Café de la Gare à Paris pour la saison printemps-été 1989. Elle n’a pas de numéro et se différencie des autres lignes par une étiquette toute blanche. Les lignes 1 et 4 seront ajoutées par la suite.
Les défilés suivants auront lieu sur un terrain vague ou dans les couloirs d’une station de métro. En 1997, c’est une présentation-performance vidéo qui remplace le défilé.
En 1994 est lancée Replica, une collection de vêtements, accessoires et chaussures à la fonctionnalité et au vécu signifiants.
La saison printemps-été 2005 inaugure la première collection pour homme, baptisée 10.
En 2005, la maison présente officiellement la collection Artisanal, dont les pièces réalisées à la main dans l’atelier parisien étaient auparavant intégrées aux collections de prêt-à-porter. L’étiquette de cette ligne indépendante adopte le numéro 0 et ses collections défilent durant la semaine de la haute-couture parisienne.
Fin 2009, un an après la célébration des 20 ans de la marque, Martin Margiela se retire, laissant les clés de la maison à l’équipe, et celles de la direction à Only The Brave, la holding de Renzo Rosso, fondateur de Diesel, qui avait pris part au capital de la société en 2002.


Maison Martin Margiela Couture Fall 2014. Photograph courtesy of CNP Montrose and Getty Images.
Comme il a toujours gardé l’anonymat de lui même, de sa marque et de son équipe, Margiela a toujours refusé le star-system du mannequinat. Les mannequins défilent de façon anonyme, le visage caché par des bandeaux ou des masques devenus des accessoires cultes de la Maison. Le créateur vous fait bien comprendre que c’est le vêtement qui prime, c’est lui que l’on doit observer, apprécier et comprendre.

Masque haute couture Maison Martin Margiela automne-hiver 2013/2014 photo Miguel Medina
Masque haute couture Maison Martin Margiela automne-hiver 2013/2014 photo Miguel Medina
Masque haute couture Maison Martin Margiela automne-hiver 2013/2014 photo Miguel Medina

Masque haute couture Maison Martin Margiela automne-hiver 2013/2014 photo Miguel Medina
Masque haute couture Maison Martin Margiela automne-hiver 2013/2014
Masque haute couture Maison Martin Margiela automne-hiver 2013/2014

Masque haute couture Maison Martin Margiela automne-hiver 2013/2014
Masque haute couture Maison Martin Margiela automne-hiver 2013/2014
Masque haute couture Maison Martin Margiela automne-hiver 2013/2014
Masque haute couture Maison Martin Margiela automne-hiver 2013/2014
Masque haute couture Maison Martin Margiela automne-hiver 2013/2014
Masque haute couture Maison Martin Margiela automne-hiver 2013/2014
Masque haute couture Maison Martin Margiela automne-hiver 2013/2014
Masque haute couture Maison Martin Margiela automne-hiver 2013/2014

Dans la continuité de Venise, du Carnaval et de la Comedia d'Ella Arte, le fait d'être anonyme permet de changer d'identité, jouer des rôles en forme de farces pour critiquer des caractéristiques sociales, politiques, une manière d'exorciser des zones d'ombres de la société.
Chez Martin Margiela, l'anonymat et le masque permettent de changer d'identité par le vêtement afin de mettre en scène l'âme de la personne et sa spiritualité . L'être y est enveloppé dans un cocon à la fois végétal, minéral et précieux, tel une chrysalide où l'univers est synthétisé et donne naissance à l’œuvre, œuvre où la personne et son vêtement sont une seule globalité