137-RAY KAWAKUBO, CHANEAC

LE CORPS ET LE MOUVEMENT ENTRE LA DANSE ET L'ARCHITECTURE

L'espace est une excroissance du corps à travers le vêtement dont le volume est dissocié des formes du physique de la personne,
Rei Kawakubo, née en 1942 à Tokyo,  a lancé la marque Comme des garçons,  en 1969 après des études de philosophie.
Introvertie, arrogante et rude, japonaise silencieuse, elle très calme,  Rei Kawakubo en fait est effacée mais décidée, austère, vétue de noir, elle explique « On m'entend plus parce que les tendances actuelles de la mode m'énervent tellement que je ne peux m'empêcher de réagir». «Le grand problème de la mode depuis quatre ou cinq ans, c'est qu'elle est devenue trop facile à comprendre, à porter. Trop superficielle et mondaine. Insouciante, se contentant de choses stupides. Sans souffrance, ni vrai travail de recherche. Tout va contre la création. On vous critique même d'être trop recherchée quand c'est recherché. Tout le monde est soulagé que tout soit pareil. Or, moi j'ai toujours tendu mes efforts vers quelque chose qui n'existait pas.» Créatrice intransigeante qui s'exprime en concepts. Une année ce sera une jupe, déclinée trente-cinq fois ; une autre, un travail sur des matières nobles ravilies, telles ces soies froissées et brûlées au soleil. Elle déconstruit les vestes, retourne les manches, imagine des bosses. Dans les années 2000, elle ouvre ce qu'elle appelle des Guerrilla Store, boutiques éphémères, simples échoppes qui ouvrent pour un an seulement dans des villes improbables, Berlin, Beyrouth ou encore Singapour. Féministe, intransigeante, et toujours aussi déterminée à casser les règles, Rei Kawakubo force l'admiration. ( Vogue Magazine )

Rei Kawakubo. styliste, Née en 1942 à Tokyo, Collection printemps / été, 1997, "Body Meets Dress, Dress Meets Body"
Rei Kawakubo. styliste, Née en 1942 à Tokyo, Collection printemps / été, 1997, "Body Meets Dress, Dress Meets Body"
Rei Kawakubo. styliste, Née en 1942 à Tokyo, Collection printemps / été, 1997, "Body Meets Dress, Dress Meets Body"
Rei Kawakubo. styliste, Née en 1942 à Tokyo, Collection printemps / été, 1997, "Body Meets Dress, Dress Meets Body"
Rei Kawakubo. styliste, Née en 1942 à Tokyo, Collection printemps / été, 1997, "Body Meets Dress, Dress Meets Body"
Rei Kawakubo. styliste, Née en 1942 à Tokyo, Collection printemps / été, 1997, "Body Meets Dress, Dress Meets Body"
Rei Kawakubo. styliste, Née en 1942 à Tokyo, Collection printemps / été, 1997, "Body Meets Dress, Dress Meets Body"
Rei Kawakubo. styliste, Née en 1942 à Tokyo, Collection printemps / été, 1997, "Body Meets Dress, Dress Meets Body"
Rei Kawakubo. styliste, Née en 1942 à Tokyo, Collection printemps / été, 1997, "Body Meets Dress, Dress Meets Body"

Rei Kawakubo. styliste, Née en 1942 à Tokyo, Collection printemps / été, 1997, "Body Meets Dress, Dress Meets Body"

Rei Kawakubo. styliste, Née en 1942 à Tokyo, Collection printemps / été, 1997, "Body Meets Dress, Dress Meets Body"

Rei Kawakubo. styliste, Née en 1942 à Tokyo, Collection printemps / été, 1997, "Body Meets Dress, Dress Meets Body"

Le mouvement vient se greffer sur le corps greffé, dans une mise en espace de la greffe :
Scénario, ballet, chorégraphie Merce Cunningham, costumes, jeux et éclairages Rei Kawakubo en 1997.

Cunningham et Kawakubo ont créé un travail révolutionnaire et ont été les leaders de leurs domaines respectifs. Kawakubo, fondateur de Comme des Garcons, a commencé ses créations à Tokyo à la fin des années 1960 et a été immédiatement considéré comme l'un des membres les plus importants de l'avant-garde . Ses conceptions hors temps ont été basées sur le fait de repousser des limites et posent la question des normes esthétiques. Cunningham était, de même, à l'avant-garde de la danse, des œuvres de chorégraphie depuis plus de 50 ans qui ont changé le visage de la danse et de la performance contemporaines.
La collaboration était basée sur la pratique de Cunningham, qui a invité Kawakubo à concevoir les costumes, les jeux et l'éclairage pour Scenario . 1997 a vu les débuts de la célèbre collection printemps / été de Comme des Garcons intitulée "Body Meets Dress, Dress Meets Body" (plus tard appelé «spectacle de bosses et bosses»), et c'est ce travail qui a inspiré ses conceptions pour la collaboration. La collection désormais omniprésente comportait des formes bombées, presque grotesques qui dépassaient du corps autour des hanches, de la poitrine et de l'estomac, faites de renflements vers le bas. Kawakubo a expliqué que son inspiration pour la collection était une réaction au système de la mode: «La mode était très ennuyeuse et j'étais très en colère. Je voulais faire quelque chose d'extrêmement fort. C'était une réaction. Le sentiment était de concevoir le corps comme un espace d'exploration "
Cunningham était connu pour sa chorégraphie axée sur le hasard qui se concentrait sur la juxtaposition et le mouvement des parties du corps des danseurs, interagissant d'une manière apparemment autonome, sans attentes ni motifs et règles typiques de la danse. Son but était de réimaginer les formes que le corps d'un danseur pouvait adopter. En conséquence, sa chorégraphie a pris une esthétique souvent décrite comme «déformée», avec des formes et des mouvements qui tordaient le corps dans des poses non naturelles ou au moins sans précédent.


La collaboration a été particulièrement remarquable car Cunningham et Kawakubo travaillaient indépendamment l'un de l'autre jusqu'à la performance réelle ou enfin la chorégraphie et les conceptions ont interagi les uns avec les autres. L'accent était mis, encore une fois, sur l'idée de laisser les choses au hasard, et de ne pas compter sur des instructions préconçues pour savoir comment les choses se passeraient. Les costumes n'étaient pas personnalisés pour correspondre aux mouvements des danseurs, ce qui modifiait radicalement leurs mouvements en perturbant leur sens de la proportion et de l'équilibre. Un danseur a déclaré que son costume était comme une «parka chaude et volumineuse» et que cela lui bloquait sa vue sur les autres danseurs, tandis qu'un autre a noté qu'elle devait adapter sa danse pour s'adapter au vêtement. C'était l'essence de la collaboration, pour créer une situation dans laquelle l'action des danseurs était finalement laissée au hasard, selon la façon dont les costumes affecteraient la capacité des danseurs à mener à bien la chorégraphie. ( Walker Center )



Scénario, ballet, chorégraphie Merce Cunningham , costumes, jeux, éclairages Rei Kawakubo 1997.

Scénario, ballet, chorégraphie Merce Cunningham , costumes, jeux, éclairages Rei Kawakubo 1997.

Scénario, ballet, chorégraphie Merce Cunningham , costumes, jeux, éclairages Rei Kawakubo 1997.

Scénario, ballet, chorégraphie Merce Cunningham , costumes, jeux, éclairages Rei Kawakubo 1997.

Scénario, ballet, chorégraphie Merce Cunningham , costumes, jeux, éclairages Rei Kawakubo 1997.

Scénario, ballet, chorégraphie Merce Cunningham , costumes, jeux, éclairages Rei Kawakubo 1997.

Scénario, ballet, chorégraphie Merce Cunningham , costumes, jeux, éclairages Rei Kawakubo 1997.

La greffe en architecture, l'oeuf, le cocon comme excroissance sort en s'accrochant à la façade des HLM :
CHANEAC, architecte
Manifeste de l'architecture insurrectionnelle

Le manifeste a été lu pour la première fois en public,
le 4 mai 1968, à l'Académie Royale d'Architecture de Bruxelles.

"La croissance rapide de nos agglomérations, la mutation de notre société, l'explosion démographique ont amené les pouvoirs publics à créer des plans d'urbanisme à l'échelle d'une cité, puis à l'échelle de l'aménagement du territoire. La machine administrative mise en place est devenue extrêment lourde, constituant un frein intolérable aux forces dynamiques, aux élans, aux nécessités immédiates, à la vie. D'autre part, sur le plan architectural, un énorme malentendu s'est créé. Les visionnaires du début du siècle ont dénoncé les ornementations décadentes, les espaces inutiles, les mensonges structuraux. Le combat qui était nécessaire à l'époque a donné bonne conscience à ceux qui construisent les grands ensembles d'habitations d'aujourd'hui. Les précieux espaces inutiles ont disparu, les formes ont été rendues primaires sous prétexte de rationnalisation.
Il devient alors facile de faire les plans, il devient rassurant de métrer, d'évaluer et de contrôler avec précision... Il devient difficile d'y habiter. Comment prendre possession d'espaces aussi pauvres ? Contre les entraves administratives, contre la masse réactionnaire des professionnels du bâtiment, je propose la stratégie suivante : la création d'une architecture insurrectionnelle. Lorsque je contemple un grand ensemble, j'ai envie de donner à ses habitants les moyens de réaliser leurs rêves et leurs besoins du moment en mettant à leur disposition ou en leur donnant les moyens techniques pour réaliser clandestinement des "cellules parasites". Ils pourraient agrandir leur appartement à l'aide de cellules ventouses fixées sur les façades. Les enfants pourraient recréer l'univers poétique des greniers d'autrefois en implantant des cellules sur les terrasses des immeubles. Des chambres d'amis apparaîtraient sur les pelouses. On assisterait à l'explosion d'une architecture insurrectionnelle."

Bulle pirate inspirée par le Manifeste de l’architecture insurrectionnelle de Jean-Louis Chanéac et installée par Marcel Lachat au Grand-Saconnex, Genève, 1970.

Marcel Lachat
Trois ans plus tard, en décembre 1971, après avoir pris connaissance de ce manifeste, Marcel Lachat accrochait clandestinement une "bulle pirate" sur la façade d'un immeuble de logements sociaux à Genève. Il était locataire d'un appartement de deux pièces au deuxième étage d'un immeuble parallélépipédique de neuf étages, dont la façade lisse et monotone est bien caractéristique des grands ensembles. A la naissance de son premier enfant, ayant éprouvé des difficultés à trouver un appartement plus vaste, Marcel Lachat n'a pas hésité à mettre en pratique les principes de l'architecture insurrectionnelle : à partir d'un ballon sonde, il a réalisé une petite cellule en polyester sur les conseils techniques de Pascal Haüsermann. Un vendredi soir, avec la complicité d'un ami compagnon charpentier, il a hissé et accroché la bulle à la structure de l'encadrement d'une fenêtre de son appartement. La bulle se projetait agressivement sur la façade, créant le choc visuel recherché. Dès le samedi matin, un représentant des services de sécurité du quartier se présenta pour demander des explications au couple. Marcel Lachat n'a accepté de décrocher sa cellule parasite qu'après avoir obtenu un nouveau logement et avoir pu expliquer sa situation aux autorités et à la presse genevoises. Cette dernière a largement diffusé l'événement et avec beaucoup d'humour. Cela a confirmé qu'il est parfois possible d'établir une communication directe avec le public qui comprenait immédiatement l'intention, en court-circuitant les institutions.

Bulle pirate inspirée par le Manifeste de l’architecture insurrectionnelle de Jean-Louis Chanéac et installée par Marcel Lachat au Grand-Saconnex, Genève, 1970.

Jean-Louis Rey dit Chanéac (1931-1993) Diplômé de l’École du bâtiment de Grenoble, , Cellules parasites, 1968, Plan aérien, Dessin, Encre et feutre sur page de magazine, 14.4 x 23.3 cm, Donation Nelly Chanéac
Jean-Louis Rey dit Chanéac (1931-1993) Diplômé de l’École du bâtiment de Grenoble, Cellules parasites, s. d., Projet de vitalisation de grand ensemble, Dessin, Crayon graphite et feutre sur calque
21 x 31 cm, Donation Nelly Chanéac
Jean-Louis Rey dit Chanéac (1931-1993) Diplômé de l’École du bâtiment de Grenoble,, Cellules parasites, s. d., Dans le prospect, cellules parasites, Dessin, Encre sur papier quadrillé, 17 x 22 cm Donation Nelly Chanéac

Jean-Louis Rey dit Chanéac (1931-1993) Diplômé de l’École du bâtiment de Grenoble, Cellules amphores, 1973, Maquette, Plâtre, métal, adhésif, carton, bois, 8 x 40 x 36 cm, Donation Nelly Chanéac

Simultanément à, Vienne, la greffe de la sphère / cocon fait éruption sur les façades bourgeoises d'architectures du 19eme siècle :
Groupe radical emblématique de la scène viennoise des années 1960 et 1970, Haus-Rucker-Co se concentre dès ses débuts sur l’expérience du corps, développant des espaces cognitifs et sensibles qu’ils pratiquent lors de performances dans l’espace urbain. Ces événements doivent stimuler et libérer la conscience, permettant à l’esprit de s’ouvrir à une autre dimension. 
Haus-Rucker-Co, Oase Nr. 7 (Oasis No. 7), installation at Documenta 5, Kassel, Germany, 1972. Photo: Carl Eberth/©documenta Archives


Haus-Rucker-Co, Oase Nr. 7 (Oasis No. 7), installation at Documenta 5, Kassel, Germany, 1972. Photo: Carl Eberth/©documenta Archives

L’architecture se recentre véritablement sur le corps et non plus sur une idée de société ou de communauté, de cette façon l’individu s’oppose à l’utopie.
Le ballon pour deux de Haus-Rucker-co, qui se déploie depuis une fenêtre à l’étage d’un immeuble, en suspension, transparent, instable, créé une situation inhabituelle, risquée : « notre ballon vous aide à découvrir une sensation de paix, de sécurité, une relaxation et l’amour, inconnus jusqu’ici. Il augmente votre sensibilité. Allez dans son espace interne avec quelqu’un que vous aimez. Vous serez capable de mieux penser et de mieux faire l’amour, parce que vous serez relaxés » . La symbolique du ballon gonflable tient énormément au contraste procuré entre la légèreté de la bulle et l’immeuble massif auquel elle est accroché et dont elle semble se détacher pour s’envoler. « Le rêve, la vie, sont à penser hors de l’architecture ».