235-CERCUEIL GONFLABLE, ANALYSE

                                            PAGE D'ACCUEIL ET SOMMAIRE DU BLOG

La période de vacances peut devenir un rite initiatique :

ENTRE JONAS, LE SACRÉ, LE KITSCH ET LE SURDIMENSIONNÉ, nous allons voir comment ce cercueil rassemble en son coffre rose , les différents aspects de la mort dans nos cultures
enterrez-vous cet été dans ce flotteur de cercueil rose par pom pom designboom

Pom Pom Floats - une collaboration entre les designers Andrew Greenbaum et Ian Felton, un cercueil gonflable rose , 2018


Cercueil d'argile anthropoïde, daté de l'âge du Bronze (XIVe ou XIIIe siècle avant J.C, découvert sur la péninsule du Sinaï à Dier-el-Balach (Hecht Museum, Université de Haifa, Israël)

Ce coffre rose et souple est une continuité ironique de la position un peu cynique que la mort nous impose face à son inéluctabilité. Élément féminin de par son intériorité, ce cercueil gonflable et flottant nous permet de choisir de notre moment de départ et de'entreprendre sur l'eau notre dernier voyage vers nos origines .

enterrez-vous cet été dans ce flotteur de piscine rose cercueil

Pom Pom Floats - une collaboration entre les designers Andrew Greenbaum et Ian Felton, un cercueil gonflable rose , 2018



Thalès de Milet, appelé communément Thalès est un philosophe et savant grec né à Milet vers -625 et mort vers -547 dans cette même ville. 

La pensée de Thalès « L'eau est la cause matérielle de toutes choses »

La philosophie de la nature de Thalès, connue surtout grâce à Aristote fait de l'eau le principe matériel  explicatif de l'univers, d'où procèdent les autres éléments : air, feu et terre. Accordant une vitalité à cette matière unique et universelle, il estime que l'eau est le principe de toutes choses, que la terre n’est que de l’eau condensée, l’air de l’eau raréfiée, et qu’en dernière analyse tout se résout en eau. Aristote résume ainsi la pensée de Thalès et la prépondérance donnée à l'eau au sein de celle-ci :

« Thalès, le fondateur de cette manière de philosopher, prend l'eau pour principe, et voilà pourquoi il a prétendu que la terre reposait sur l'eau, amené probablement à cette opinion parce qu'il avait observé que l'humide est l'aliment de tous les êtres, et que la chaleur elle-même vient de l'humide et en vit ; or, ce dont viennent les choses est leur principe. C'est de là qu'il tira sa doctrine, et aussi de ce que les germes de toutes choses sont de leur nature humides, et que l'eau est le principe des choses humides. Plusieurs pensent que dès la plus haute antiquité, bien avant notre époque, les premiers théologiens ont eu la même opinion sur la nature : car ils avaient fait l'Océan et Téthys auteurs de tous les phénomènes de ce monde, et ils montrent les dieux jurant par l'eau que les poètes appellent le Styx. En effet, ce qu'il y a de plus ancien est ce qu'il y a de plus saint ; et ce qu'il y a de plus saint, c'est le serment. Y a-t-il réellement un système physique dans cette vieille et antique opinion ? C'est ce dont on pourrait douter. Mais pour Thalès on dit que telle fut sa doctrine. » Aristote, Métaphysique, A, III, 983 ; trad. Victor Cousin, 1838

L'eau comme principe universel d'explication n'est présent que dans la pensée de Thalès ; « on n'en trouve pas d'écho dans le monde grec », si bien qu'il s'agit certainement d'une conception rapportée des pays à l'Est de la Grèce.
Cet élément primitif est d'origine incertaine, peut-être phénicienne :
«La conception de Thalès : une terre flottante, comme un disque de bois, sur l'eau ; et un univers rempli de matière essentielle, c'est-à-dire envisagé comme une masse liquide, s'accorde, comme le fait voir Tannery, Pour l'histoire de la science hellène, p. 70 sq., en une certaine mesure avec l'idée égyptienne de l'eau essentielle Nun, divisée en deux masses scindées. Les anciens Babyloniens admettaient pareillement un Océan supérieur et un Océan inférieur; cf. Fritz Hommel, Der babylonische Ursprung der ægyptischen Kultur, Munich 1892, p. 8. On peut comparer aussi avec le livre de la Genèse, I 7. La concordance entre la doctrine principale de Thalès et celle de la secte mi juive des Sampséens reste particulièrement obscure ; cf. Hilgenfeld, Judentum und Judenchristentum, p. 98, selon Epiphan. Hæres, 19, 1 ; cf. aussi Plutarque, sur les Syriens, Quæst. conviv., VIII 8, 4 (Mor., 891, 7 sq., Dübner). La tendance actuelle est de considérer Thalès comme un simple intermédiaire entre étrangers et Grecs ; cette tendance a néenmoins contre elle la façon dont la meilleure autorité, Eudème, op. cit., parle des travaux géométriques de Thalès et du rapport dans lequel ils se trouvent avec la mathématique égyptienne.»
— Theodor Gomperz, Les Penseurs de la Grèce : histoire de la philosophie antique, tome I, livre I, chapitre 1, II
enterrez-vous cet été dans ce flotteur de cercueil rose par pom pom designboom
Pom Pom Floats - une collaboration entre les designers Andrew Greenbaum et Ian Felton, un cercueil gonflable rose , 2018

Le projet de Pom Pom floats a commencé il y a trois ans quand les designers Greenbaum et Felton ont défini leur idée en utilisant quatre mots: fun, nonchalant, satirique et étrange. Une fois qu'ils ont trouvé un fabricant capable de donner vie au cercueil rose flottant, ils ont décidé de créer une campagne d'attente sur les réseaux sociaux avec un prototype. Maintenant qu'un grand nombre connait leur produit et est désireux de l'acquérir ils ont lancé aujourd'hui une campagne kickstarter .
enterrez-vous cet été dans ce flotteur de cercueil rose par pom pom designboom
Pom Pom Floats - une collaboration entre les designers Andrew Greenbaum et Ian Felton, un cercueil gonflable rose , 2018
Si Jonas peut être évoqué, la taille surdimensionnée du poisson est pour ainsi dire " gonflée " et sera un élément important dans la continuité de notre réflexion



"Elle nous engloutit avec notre navire" Coupure de presse
Milieu du XIXe siècle. Gravure sur bois de bout (12,7 x 16,9 cm)
BNF, Estampes et Photographie, Jz-23-Fol.

La gueule grande ouverte, tel le Léviathan, un énorme poisson semble tout surpris de laisser sortir un bateau : ce n'est pas Jonas que le poisson a avalé, mais une embarcation et son équipage. Cette gravure humoristique illustre dans un périodique le chapitre "Littérature ancienne. Le ventre d'une baleine", qui reprend une partie du texte des Histoires véritables de Lucien de Samosate : "Après cette narration, le vieillard reprend la parole et leur apprend qu'il réside depuis vingt-sept ans dans cette baleine..." ( BNF)



Pom Pom Floats - une collaboration entre les designers Andrew Greenbaum et Ian Felton, un cercueil gonflable rose , 2018
enterrez-vous cet été dans ce flotteur de cercueil rose par pom pom designboom

Pom Pom Floats - une collaboration entre les designers Andrew Greenbaum et Ian Felton, un cercueil gonflable rose , 2018
Nous évoquerons le " Voyage d' Alexandre " dont une partie se passe sous l'eau, en immersion Alexandre vit une mort initiatique lui permettant de s'approcher de ses forces primaires que sont les origines du monde qu'il va conquérir, alors en toute connaissance


Alexandre sous la mer
Pseudo-Callisthène, Des combats d'Alexandre. Italie du Sud, fin XIIIe siècle. Manuscrit sur parchemin (26 x 21 cm)
BNF, Manuscrits, latin 8501, f. 49

Selon la tradition indienne du roman d'Alexandre, le roi aurait demandé à descendre sous la mer pour en voir les habitants, un épisode qu'illustrent plusieurs manuscrits du Moyen Âge, dont trois conservés à la Bibliothèque nationale de France. Les représentations de l'engin qui lui aurait permis de réaliser cet exploit sont diverses puisqu'il apparaît comme une sorte de nasse, de cloche ou de sous-marin recouvert de peaux et muni de hublots.
Voici ce que le roi aurait vu sous la mer : un monde sans couleur et sans soleil où végétaux, animaux et humains (y compris une sirène) s'approchent du visiteur.( BNF)
enterrez-vous cet été dans ce flotteur de cercueil rose par pom pom designboom

Pom Pom Floats - une collaboration entre les designers Andrew Greenbaum et Ian Felton, un cercueil gonflable rose , 2018
Maître anonyme, Regensburg, Bavière, XVe siècle,
Alexandre le Grand sous l'eau, c.1400-1410
Enluminure sur parchemin, 33,5 x 23,5 cm (feuillet),
Ms. 33, fol. 220 v, Los Angeles, J. Paul Getty Museum

La surdimension du poisson en arrière plan de la bulle où se trouve Alexandre, évoque la baleine de Jonas et le voyage initiatique de Trois Jours dans la merenterrez-vous cet été dans ce flotteur de cercueil rose par pom pom designboom

Pom Pom Floats - une collaboration entre les designers Andrew Greenbaum et Ian Felton, un cercueil gonflable rose , 2018
Manuscrit carolingien
La mer, lieu de passage des invasions
Tableaux de la vie de saint Aubin. Deuxième partie du XIe siècle. Manuscrit sur parchemin (25,5 x 18,5 cm)
BNF, Manuscrits, NAL 1390, f. 7

À peu près contemporaine de la tapisserie de Bayeux, cette représentation d'une barque normande allant assiéger Guérande surprend par la détermination des guerriers, peu sensibles à la fragilité et au délabrement de leur embarcation (mâture brisée et voiles déchirées) ni à l'état de la mer, pourtant formée. Sur une mer très stylisée, le nombre des hommes en armes, debout sur plusieurs rangées, suffit à exprimer l'importance de l'expédition.( BNF)
La notion de combat contre les forces de l'eau peut être évoquée dans cette carapace close qu'est ce cercueil
enterrez-vous cet été dans ce flotteur de cercueil rose par pom pom designboom
Pom Pom Floats - une collaboration entre les designers Andrew Greenbaum et Ian Felton, un cercueil gonflable rose , 2018

Costume de plongée, le cercueil rose est aussi un élément végétal, floral et animal qui sert de costume dans lequel on s'enveloppe avant de s'immerger

Pierre de Rémy de Beauve
Projet pour l'équipement d'un plongeur
Ensemble de six dessins, 1715. Dessin, encre, aquarelle sur papier (43,5 x 54 cm)
Paris, Archives nationales, Cartes, Plans et Photographies, Marine, 6 JJ 89 (p. 119B et C)

Parallèlement à l'invention de divers engins pour aller sous l'eau, l'amélioration de l'équipement des plongeurs se poursuit aux XVIIe et XVIIIe siècles. Pierre de Remy de Beauve (mort à Brest en 1739) propose ici un équipement fait d'une combinaison étanche qui recouvre une cuirasse en fer destinée à protéger de la pression de l'eau la cage thoracique du plongeur. Deux tuyaux de cuir reliés au casque amènent jusqu'au plongeur l'air pompé à la surface.
enterrez-vous cet été dans ce flotteur de cercueil rose par pom pom designboom
Pom Pom Floats - une collaboration entre les designers Andrew Greenbaum et Ian Felton, un cercueil gonflable rose , 2018

Repéré un ami
Pom Pom Floats - une collaboration entre les designers Andrew Greenbaum et Ian Felton, un cercueil gonflable rose , 2018

Le cercueil rose est aussi un Costume pour marcher sur l'eau

L'ancêtre des scaphandres
Abbé de La Chapelle, Traité de la construction théorique et pratique du scaphandre ou du bateau de l'homme. Paris, Debure père / l'auteur, 1775. Dépliant (16,5 x 47 cm) BNF, Réserve des livres rares, V-25754

Dédié à Antoine de Sartine, ministre de la Marine, approuvé par l'Académie royale des sciences, cet ouvrage de l'abbé de La Chapelle, mathématicien de renom, expose le moyen de "marcher au milieu des eaux les plus profondes comme sur un plan solide" à l'aide d'une combinaison de toile avec appliques de liège. Équipement de flottaison non submersible, cette première forme du scaphandre, composée d'un pantalon à étriers, d'une "suspensoire" - sorte de plastron venant se rabattre sur la poitrine - et de nageoires pour aider à la progression, se veut utile pour l'amusement, la pêche, la survie en cas de naufrage ou bien encore le calfatage d'un bateau en mer. Le traité sera réédité en 1805 "précédé du projet de formation d'une légion nautique ou d'éclaireurs des côtes, destinée à opérer tel débarquements qu'on avisera sans le secours de vaisseaux".







Jeté dehors pour voir
Pom Pom Floats - une collaboration entre les designers Andrew Greenbaum et Ian Felton, un cercueil gonflable rose , 2018


Jonas rejeté par la baleine
extrait de la bible du pape Jean XXII (xive siècle).






Jonas (en hébreu : יוֹנָה (yôna(h)) : colombe, en arabe : يونس (yûnus)), fils d’Amitthaï, est l’un des douze petits prophètes de la Bible. Il est le personnage principal du livre de Jonas qui fait partie du Tanakh de la tradition juive et de l’Ancien Testament chrétien.
La lecture chrétienne du livre de Jonas a toujours vu, dans le prophète Jonas, une préfiguration du Christ. En effet, de même que Jonas passa trois jours dans le ventre du monstre marin, de la même façon le Christ passa trois jours dans les entrailles de la terre. C'est pour cela que les chrétiens des premiers siècles ont beaucoup utilisé la figure du prophète Jonas pour représenter le Christ, et par là le baptême chrétien, qui est baptême dans la mort et résurrection du Christ. De fait, dans l'art paléochrétien, la figure la plus représentée est sans doute le bon pasteur, mais juste après, c'est la figure de Jonas.

Jonas permet de faire le lien avec l' Église et nous évoquerons une église éphémère : l’église gonflable de Montigny-lès-Cormeilles de Hans-Walter Müller, architecte (réalisée en1969) H.-W. Müller (né en 1935). Diplômé ingénieur-architecte par l’université de Darmstadt (Allemagne) en 1961. Il collabora avec les architectes Ernst May, Francis Lopez et Emile Aillaud avant de consacrer sa carrière aux structures gonflables.




En 1967 se déroula au Musée d’Art Moderne de la ville de Paris, l’exposition d’art cinétique « Lumière et Mouvement », exposition qui tourna ensuite en Hollande et en Angleterre. Parmi les oeuvres exposées - dont celles de Nicolas Schöffer, Demarco ou Morellet - figurait une structure gonflable conçue par l’architecte d’origine allemande Hans-Walter Müller. Sur la face externe de cette structure on pouvait voir la projection des effets lumineux générés par une machine à disques optiques placée à l’intérieur 





 Cette exposition fut l’occasion pour H.-W. Müller d’obtenir ses premières commandes et de débuter une carrière de créateur de structures gonflables
 H.-W. Müller, cabine « M » de relaxation, 1968
(L’Architecture d’Aujourd’hui n° 137, 1968).]Les structures gonflables suscitèrent à cette époque un grand intérêt, en particulier quant à leur utilisation dans l’ensemble des domaines de la création architecturale y compris l’architecture religieus
Dans un entretien qu’il accorda à L’Art Sacré en 1968, Jean Prouvé affirma ainsi que « ‘l’église que l’on démonte et que l’on déplace, ne serait-ce que pour récupérer un terrain ou en occuper un autre, est une éventualité très pensable, si toutefois la liturgie l’autorise. Et la construction gonflable, dont on a pu voir une exposition au Musée d’Art Moderne de Paris, est une révélation sur ce plan là’ »
L’exposition « Structures gonflables », à laquelle fait référence Jean Prouvé, se déroula en mars 1968. Les animateurs de la revue Utopie furent à l’origine de cette exposition qui avait pour ambition d’exposer les inventions techniques, les applications pratiques et les expressions artistiques du gonflable. Il semblait alors qu’à travers cette technique une mutation était en train de s’opérer qui allait s’accompagner rapidement de réalisations spectaculaires dans les domaines de l’architecture, de l’urbanisme et des transports
Structures déformables composées d’une ou plusieurs enveloppes remplies de fluides dont le poids propre est peu élevé par rapport au volume maximum couvert, les gonflables possèdent des caractéristiques qui les situent aux antipodes de la construction traditionnelle : stable, pesante, solide et pérenne. 
« ‘Une structure gonflable n’est qu’une enveloppe tendue sous la pression qu’un fluide exerce sur elle. Cette structure présente pourtant une originalité elle est dynamique et non pas statique, elle peut se gonfler et se dégonfler ’», écrit Jean Aubert membre de la revue Utopie dans le catalogue de l’exposition


Maison gonflable cylindrique de Quasar Engineering, 1968.


Habitation déployable gonflable, J.-L. Lotiron et P. Martin-Perrand, 1968.

(L’Architecture d’Aujourd’hui n° 137, 1968, p. XLIII)]On doit à Hans-Walter Müller d’avoir projeté et réalisé, en utilisant cette technique, une église hors du commun par le matériau utilisé et par la durée de son existence.
C’est par l’intermédiaire de relations et à l’occasion d’une fête paroissiale qui fut très animée que H.-W. Müller fit la connaissance du curé de Montigny-lès-Cormeilles. Cette commune de la banlieue parisienne ne possédait pas d’église et les cultes se déroulaient alors dans une sorte de hangar.
Comme H.-W. Müller aimait à ce que ses interventions soient liées à des événements extraordinaires, il fit savoir au curé de Montigny-lès-Cormeilles qu’il souhaitait réaliser une église gonflable pour la future fête paroissiale.
D’une manière générale, H.-W. Müller fut toujours intéressé par les lieux de culte, aussi bien catholiques que protestants, et par la possibilité d’élargir leur utilisation comme, par exemple, pour la tenue de concerts. Il estimait en effet qu’aucun lieu ne devait être trop spécialisé et que la tenue de manifestations culturelles dans des églises pouvaient conduire certaines personnes à découvrir, dans ces circonstances, l’architecture religieuse.
Après la guerre, H.-W. Müller s’intéressa à la question des églises provisoires, en particulier à travers l’exemple de l’église en bois que l’architecte Otto Bartning réalisa, dans le cadre de la reconstruction, à une trentaine d’exemplaires en Allemagne. Il visita également à cette époque les églises de Rudolph Schwarz, celles de Dominikus et Gottfried Böhm et, naturellement, les réalisations de Le Corbusier.

Son travail lui ayant permis d’expérimenter l’influence psychologique des espaces engendrés par les structures gonflables, il s’estima capable, en mettant en oeuvre ce procédé, de réaliser un lieu de culte aux caractéristiques assez semblables à celles des anciennes églises possédant un choeur, une nef et un clocher.
Porté par sa passion pour ce système constructif, il proposa de réaliser lui-même la structure et de payer les matériaux. En effet, précise H.-W. Müller, « ‘durant cette période on ne pouvait ni espérer vendre ces constructions gonflables ni même demander à quelqu’un de les faire pour vous. J’ai donc réalisé cette église comme j’ai réalisé jusqu’à aujourd’hui quasiment toutes les autres constructions gonflables que j’ai projetées, exceptées celles de très grande taille ’».
Le curé accepta le principe de ce projet et eut naturellement à charge de dire la messe dans ce lieu de culte exceptionnel 


La messe dans l’église gonflable de Montigny-lès-Cormeilles en 1970.

 (Photo Hans-Walter Müller).]L’église gonflable se présentait comme un volume prismatique aux facettes alternativement noires et blanches . Au point le plus haut du volume, au centre de la croix translucide qui surplombait l’autel, H.-W. Müller plaça de l’eau : « De l’eau du ciel, de manière un peu symbolique ».

Vue de l’église gonflable de Montigny-lès-Cormeilles en 1970. (Photo Hans-Walter Müller).]


L’église gonflable de Montigny-lès-Cormeilles en 1970. Croix translucide au dessus de la nef. Photo Hans-Walter Müller

L’église fonctionna très bien lors de la fête paroissiale, durant un seul week-end de l’été 1969, comme cela était prévu. Deux cents personnes environ assistèrent à la messe . Cette réalisation qui a d’abord surpris les paroissiens de Montigny-lès-Cormeilles les a ensuite passionnés par son aspect insolite .



L’église gonflable de Montigny-lès-Cormeilles en 1970. Vue de l’autel depuis l’extérieur. (Photo Hans-Walter Müller).

 L’église gonflable de Montigny-lès-Cormeilles. Vue extérieure pendant la fête paroissiale.Photo Hans-Walter Müller.

Malgré, ou à cause, de sa durée de vie éphémère, cette église fit beaucoup parler d’elle. L’installation d’un lieu de culte dont l’apparition et la disparition devaient se succéder dans un laps de temps très court, en faisait naturellement un événement singulier.
De fait, la construction gonflable constitue une approche de l’architecture qui prend le contre-pied de beaucoup de notions classiques. Au lieu des connotations stylistiques, à la place du monumental, du pesant, du statique, de l’historique, l’architecture gonflable s’appuie sur un champ référentiel qui, de la vie organique, passe par événementiel, l’éphémère, le mobile, l’immatériel.

Il y avait quatre ans que le Concile Vatican II s’était achevé quand H.-W. Müller réalisa son église gonflable. Celle-ci offrait une traduction quasiment littérale de l’église mobile, de l’église-tente portée par le Souffle créateur qui fut évoquée dès la période pré-conciliaire. Le curé avait, en acceptant de s’engager dans ce projet, probablement le sentiment de répondre à ces préoccupations.

Il y eut de nombreux articles dans la presse qui relatèrent l’événement. L’un d’entre eux était illustré d’un dessin montrant un curé partant avec son église sur sa bicyclette. Le compte-rendu publié par la revue Le Nouveau Planète  en 1969 est abondamment illustré de photos de l’événement. Le texte souligne que la transformation spectaculaire du volume informe de l’enveloppe repliée en une église s’est déroulée en l’espace de « sept minutes ».

L’une des photographies résume à elle seule l’originalité de cette création. On y voit, posé sur une balance, un paquet de trente neuf kilos, de moins de deux mètres de long sur lequel une étiquette indique : ‘« Eglise gonflable, 200 pers., montage 10 min’. » 

 L’église gonflable de Montigny-lès-Cormeilles repliée.Photo Hans-Walter Müller

Cette image signifiait de manière synthétique que la division du profane et du sacré, en matière de construction religieuse, avait désormais perdu tout sens et qu’un vulgaire paquet pouvait tout à fait convenir pour abriter une messe. Elle montrait aussi que l’église n’avait plus à exprimer, par une architecture profondément ancrée dans le sol et s’élançant dans le ciel, la conception archaïque d’un au-delà opposé à un ici-bas. ( Thèse université de Lyon )

Grâce au gonflable l’église pouvait rompre de manière radicale avec la symbolique du monument inscrit au cœur historique des villes pour se transformer en un outil d’évangélisation, dans l’esprit d’une relecture contemporaine de la tente de l’Exode, tente gonflable que le curé pouvait maintenant emporter sous son bras au gré de ses déplacements et de ceux de la population.

Désormais l’architecture religieuse pouvait s’alléger, n’être plus qu’un simple abri pour les fidèles, un simple dispositif fonctionnel au service d’une liturgie participative et tendre, ainsi, vers l’immatérialité.

Dans l'aspect objet " gonflé " surdimensionné et kitsch qu'est ce cercueil nous évoquerons l'architecture " Big Duck" que l'on trouve aux Etats Unis et dont parle Denise Scott Brown et Robert Venturi 


« En 1972, les architectes américains Denise Scott Brown et Robert Venturi publient Learning from Las Vegas(L’enseignement de Las Vegas), analysant dans cet ouvrage la nouvelle forme d’urbanisme que représente le modèle de l’architecture ludique, commerciale et populaire de la célèbre ville. Ils y constatent, notamment, l’omniprésence des enseignes publicitaires en avant des ‹ hangars décorés › qu’elle voile et magnifie ; ils désignent du nom de ‹ canards › les bâtiments dont les formes miment la fonction, par référence à une boutique (1931) de Long Island construite en forme de canard géant – Big Duck – pour la raison qu’on y vendait du canard. Devant ces constats, comment ne pas penser à Hollywood et aux lettres géantes qui, depuis 1923, s’étalent sur une colline de Los Angeles ? La cité du cinéma s’y authentifie clairement comme fondée sur l’artifice, elle dont les décors réduits à des façades sont en même temps illusion du réel et clin d’œil à l’intention du spectateur.
Cette exubérance signalétique et cette expressivité débridée, présentes dans les deux villes, semblent à Scott Brown et Venturi être partie prenante de certains fondements de la culture populaire américaine. On n’a pas manqué de leur opposer que Las Vegas présentait plutôt les traits d’une culture imposée à des consommateurs passifs ou au mieux éblouis par le clinquant. Véritable phénomène, l’ouvrage fait polémique depuis sa sortie opposant deux types d’éthiques architecturales, l’une défendue par Venturi reposant sur l’analyse objective de la ville et de ses dérives, l’autre prônant un engagement social critique. » ( médiation Centre Pompidou)

Martin Maurer, le propriétaire, a construit le Big Duck entre 1930 et 1931 Le Big Duck, le grand canard en français, est une construction constituée d'une armature recouverte de béton ayant la forme d'un canard, situé à Flanders dans l'État de New York sur Long Island, et qui servait de boutique pour vendre des canards et les œufs de canards

Nous évoquerons les entreprises funéraires du Ghana qui créent des cercueils dont les formes sont en lien avec les activités du défunt

Cercueils en forme d'avion, de poule, crabe, cabosse de cacao réalisés par l'atelier Kane Kwei à Teshie (Ghana) photo J M Rousselet



Cercueil-Pompidou. Kudjoe Affutu, pour l'exposition « Anthologie de l’humour noir » au Centre Pompidou à Paris 2010.

Nous évoquerons l' oeuvre de Maurizio Cattelan – Now, (2004), cela pour faire le lien entre l'architecture américaine ' Big duck", le cercueil "gonflé " rose et la fin du rêve américain à travers l'assassinat de Kennedy


Maurizio Cattelan – Now, (2004) Mannequin en cire, vêtements, cheveux naturels, bois 85 x 225 x 78 cm

" Now " 2004  ( Maintenant ) exposé dans la chapelle des Petits-Augustins aux Beaux-Arts. Cette œuvre représente la dépouille de John Fitzgerald Kennedy allongée dans son cercueil. Comme d’habitude, cette performance a fait couler beaucoup d’encre. Il s’agit d’un mannequin en cire, réalisé par le sculpteur Daniel Druet (qui a travaillé dix ans pour le Musée Grévin), pieds nus dans un cercueil ouvert. L’impact visuel dans la chapelle moyen-âgeuse est très fort d’autant plus que les autorités américaines n’avaient, à l’époque, autorisé aucune photographie du président assassiné.
Selon l’auteur, ce corps symbolise la fin du rêve américain, les pieds nus font référence à un tableau du Caravage, La Mort de la Vierge. Le titre préfigure le questionnement au moment ultime « Et maintenant ? ».


Nous allons faire le lien entre le cercueil rose " gonflé " et Claes Oldenburg ainsi que la façon dont il aborde la notion de tombeau vide et vidé de son sens:



L'événement qui va déclencher chez Claes Oldenburg un processus de recherches plastiques relatif au " monument gigantesque, vide de sens et grotesque " que l'on retrouve dans toutes ses oeuvres majeures à partir des années 70, va être l’assassinat de John Fitzgerald Kennedy, trente-cinquième président des États-Unis, qui eut lieu le vendredi 22 novembre 1963 à Dallas (Texas).

En effet Kennedy était alors l'image positive de l'optimisme des États-Unis et Claes Oldenburg va utiliser le symbole de la Statue de la liberté comme métaphore du gigantisme américain, qui abouti au meurtre et à l'intolérance .

Les évènements de Dallas avaient fait basculer le rêve américain, et pour abolir la notion de monument politique symbolisé par la Statue de la Liberté, en 1965 il propose un mémorial et tombeau pour le président JFK , Proposed Underground Memorial and Tomb for ... John F. Kennedy. Celui ci est basé sur une photo du Président assassiné et dont il fait une statue géante. La silhouette enterrée la tête en bas en pleine terre étant un moule creux, géant, vide avec juste la forme extérieure du président, cela à la taille de la Statue de la Liberté. Rien de visible sur le sol, une sorte d'anti monument, le corps de John Fitzgerald Kennedy creux et enfoui était la négation totale de la Statue de la Liberté.


 
Claes OLDENBURG 1929 Suède naturalisé américain. Proposed Underground Memorial and Tomb for ... John F. Kennedy, 1965


En 1967 il propose de remplacer l'Obélisque de Washington DC par un Monument colossal Proposed Colossal Monument to replace the Washington DC Obelisk- par Rotating Scissors. La paire de ciseaux y est partiellement enterrée et c'est le premier projet de Oldenburg qui est intégré partiellement à la terre elle même, sans support et sans socle mais dans le sol.



























Claes OLDENBURG, 1929 Suède naturalisé américain,, The Scissor monument: a Proposal to Replace Washington Obelisk in Washington, Washington D.C.watercolor, graphite and wax crayon on paper mounted on panel30¾ x 20½ in. (78.1 x 52 cm.)Executed in 1967. PRIVATE COLLECTION, NEW YORK

Claes OLDENBURG, The Scissor monument: a Proposal to Replace Washington Obelisk in Washington, Washington D.C. 1967


mais avant d'ouvrir la voie à ses projets projets "monuments anti-monument " à l'image géante d'objets du quotidien, il développe la réflexion à propos " du trou " dans la terre et des œuvres partiellement ou totalement enterrées avec une action/ Performance relative au monument en négatif troué dans la terre, intitulé Placid civic monument




Claes OlLDENBURG 1929 Suède naturalisé américain, Doris Freedman and Sam Green,New York cultural affairs, Placid Civic Monument, 1967


Dans le cadre d'une exposition organisé par the NYC Administration of Recreation and Cultural Affairs: le 1er octobre 1967, Claes Oldenburg a réalisé son premier monument publique en extérieur .


Claes OLDENBURG 1929 Suède naturalisé américain, avec les fossoyeurs creusant Placid Civic Monument, 1967, Central Park New York

Placid Civic Monument avait la forme d'une action/performance conceptuelle et fut réalisée dans Central Park derrière le Metropolitan Museum of Art, New York. Avec une équipe de fossoyeurs, Oldenburg a fait creuser un trou rectangulaire de 6' x 3', 180x90 cm, qu'il a intitulé dans ses notes Hole or Burial Monument un trou ou tombe, dont il a documenté l'action, les ouvriers ont travaillé de 10h30 à 12h30 pour creuser le trou et après le temps du repas de midi, ils l' ont rebouché et aplani la terre du dessus.


Claes OLDENBURG 1929 Suède naturalisé américain,: Placid Civic Monument. "108 cubic feet of Central Park surface excavated and reinserted." New York, October 1, 1967.

Il voulait d'une part protester contre la guerre du Vietnam, et d'autre part "le trou" devenait une sorte de négatif à un futur socle de commémoration, en le recouvrant il dépassait la pure forme en creux qu'il avait donné à son Monument pour Kennedy.

Claes Oldenburg 1929 Suède naturalisé américain: Placid Civic Monument. Central Park New York, October 1, 1967.


Cette réaction aux événements politiques et sociaux aux USA des années 60, et cette position anti monument aux morts, monuments officiels, tombes commémorant des guerres et assassinats, va orienter la recherche d'Oldenburg vers de nouvelles contre proposition de monuments comme La paire de ciseaux à Washington DC. Il va proclamer le besoin d'établir une nouvelle catégories de sculptures publiques qui dépassent la définition traditionnelle de monument politique et sous des apparences grotesques et satiriques , son travail va être une critique sociétale et politique.

Nous pouvons faire le lien entre " le trou/tombeau vide vidé de son sens et le cercueil rose flottant, objets ironiques vidant la mort de son aspect inéluctable. à l'image de la "Duck architecture" et des sculptures surdimensionnées de Oldenburg, le cercueil rose gonflable, sous des apparences kitsch sont des sculptures sociales entre le sacré, le populaire et la dérision devant la mort .


Ainsi le travail de Sylvie Lander pour l’église St-Pierre-le-Jeune à Strasbourg (été 2010) synthétise les caractéristiques du cercueil rose gonflable, le trou vide, l'eau, la silhouette humaine positionnée dans la crypte, vestige de la première église datant du début du Moyen Age. Très frappante, au centre de cette crypte, une silhouette creusée dans le sol, de la taille d’un homme, le tout d’environ 190 cm de long pour 50 cm de large et d’une profondeur 35 cm.


"Une cuve d’or, épousant la forme humaine, emplie d’eau claire, est incrustée dans le sol. Absence du corps, au cœur de la matière, naissance et mort, passage, transformation, circulation, présence du ciel à toucher dans l’obscurité minérale qui invite à entrer en résonance avec la danse immobile des étoiles."

Platon envisage le fond des mers en communication permanente avec les profondeurs de la Terre, où des trous de diamètres différents permettent la circulation des eaux (chaudes ou froides), du feu, de la lave… C’est par ces voies de communication que, à l’origine du monde, la mer a pu se constituer à partir de l’eau qui occupe le centre de la Terre. De cet océan sans fond, il est impossible de connaître la hauteur. Aristote fait apparaître au contraire l’existence de véritables fonds marins, qui ne permettent que par endroits la communication avec le centre de la Terre. De ce fond ferme, Aristote peut donc imaginer la position. Il propose même une mesure de la mer dans sa hauteur, notion qui apparaît chez lui pour la première fois et qui sera reprise plus précisément encore par Strabon. C’est à juste titre qu’il estime profondes les mers de Crète, de Sicile et de Sardaigne. Mais l’appréhension de la hauteur de l’eau n’est faite que pour la Méditerranée, dont on connaît déjà parfaitement l’étendue et la surface ; cette connaissance de la troisième dimension ne semble possible qu’une fois que les deux autres sont connues.

De l’océan, on ne connaît alors ni les limites ni la nature. Aristote parle d’une eau uniformément vaseuse et de faible profondeur, rejoignant Platon, qui attribuait à l’engloutissement de l’Atlantide la faible hauteur d’eau de l’Atlantique. Pythéas rapporte de son voyage en Thulé que "dans ces régions l’on ne trouve plus ni terre proprement dite, ni mer, ni air, mais une matière composée de ces divers éléments qui ressemble fort à la méduse et dans laquelle on ne peut ni cheminer ni naviguer". Ce caractère flou de la nature de l’eau lointaine trouve encore un écho dans les "insulaires", ces guides qui ne décrivent que les îles, considérées comme des "terre en la mer" d’une nature différente des autres terres, et relevant donc de la géographie nautique. ( BNF )
Le cercueil rose est une île sans terre, une île d'air que l'on gonfle quand on le désire, qui permet alors de choisir l'heure de sa mort .