173-GENEVIEVE BLONS, PALISSADE DE CHANTIER


LA MARCHE EST UNE PEINTURE,
La commande d'une peinture sur cette palissade de chantier a été faite par un promoteur qui réalisait une résidence à Marseille , les proportions et la longueur de de l'espace à traiter m'ont interpellée, la liberté du déplacement et du mouvement inhérent à la réalisation était aussi importante pour moi que pour les passants, la peinture se déployant au fil de la marche et des lieux d'approche visuelle et des points de vue urbains et paysagés . 
Geneviève BLONS, Palissade de chantier, acrylique noir et blanc sur contreplaqué, 80 m de long par 3 m de haut, Marseille

La marche n'est pas une action c'est un pouvoir, elle transforme tout l'espace en une intériorité. L'espace dans la marche n’a pas d'extérieur. Quand on marche on est toujours au coeur, au centre de l'espace, là il n’y a pas d’origine, le centre c’est nous et tout l'espace généré par la marche sort alors de nous, de notre corps qui marche et donne naissance à l'espace dans et autour de nous. Le fait de marcher est ce qui crée l'espace.
“L’être en mouvement s’enivre de son dynamisme qui le rend audacieux. Tandis qu’il marche, il multiplie les possibles. Les normes perdent leurs certitudes” (Pierre Sansot, Chemins aux vents. 2000 : 9)

Geneviève BLONS, Palissade de chantier, acrylique noir et blanc sur contreplaqué, 80 m de long par 3 m de haut,Marseille

La marche par son double aspect dedans /dehors nous pose dans cette limite et ce passage du dedans vers le dehors , elle fait de nous une ouverture cadencée, rythmée par notre battement de coeur, où fusionnent l'intérieur et l'extérieur .

Geneviève BLONS, Palissade de chantier, acrylique noir et blanc sur contreplaqué, 80 m de long par 3 m de haut,Marseille

La marche transforme la personne car celle ci ne cherche plus à comprendre (comprendre c'est vouloir être à l'intérieur) car la marche fait nous appartenons et sommes partie intégrante des choses et de leur compréhension, l’ordre des choses accompagne la marche et l'exploration du monde devient création de celui ci.

Geneviève BLONS, Palissade de chantier, acrylique noir et blanc sur contreplaqué, 80 m de long par 3 m de haut,Marseille

“La ville rejette les figures de l’immobilité avec une insouciance monstrueuse qui la rend fascinante. Elle puise son énergie dans cette facilité à dénier l’état stable des choses pour ne s’intéresser qu’à leur fluidité, leur légèreté, leur caractère vaporeux. Elle met en contact, en réseau, en mobilité. Elle néglige avec une certaine hypocrisie son assise foncière pour se consacrer au principe de circulation qui s’étend à tout, aux opinions, aux désirs, aux intérêts. Elle offre un panel d’intensités en évolution incessante qui lui permet de ne jamais se bloquer sur des états de pensée ou de sensibilité définitifs. Elle fait de chaque habitant un visiteur qui se rend à son bureau, au spectacle, à la clinique, dans un autre quartier. Toujours, il se déplace errant sur les circuits du travail, de la culture, des relations. Mais, en dépit de la séduction de tous ses fastes et atours, la ville n’est-elle pas hantée par l’immobilité, le piège catastrophique qu’elle veut s’éviter à tout prix, contre lequel elle n’a aucun recours? Un potentiel de souffrance à la dimension de la cité?” (Gauthier 2005 : 44-45).


Geneviève BLONS, Palissade de chantier, acrylique noir et blanc sur contreplaqué, 80 m de long par 3 m de haut,Marseille

Si la marche est un pouvoir c'est parce qu'elle est mouvement immobile car on y expérimente la capacité qu’à un territoire particulier d’être pour ceux qui le parcourent un objet ouvert capable de produire une ouverture dans la perception du monde par le marcheur qui engage lui-même un processus de monstration de ce que cet espace contient d'impalpable .


Geneviève BLONS, Palissade de chantier, acrylique noir et blanc sur contreplaqué, 80 m de long par 3 m de haut,Marseille

Dans la marche il y a la saisie neuve d’un territoire, d’une ville, la réactivation de la personne et du lieu, leur invention. Marcher, c’est parcourir l’inconnu et s’abandonner à sa propre victoire. La marche, le déplacement créent une oeuvre réalisée par un sujet multiple où les espaces deviennent vides de tout ce qui n'est pas eux mêmes, sans signe ou symbole, ces espaces sont en déshérence, fertiles car sans coordonnées ni identité. Se déplacer dans ces espaces génère l’expérience de sa disponibilité à s’abandonner au mouvement silencieux de l' errance à l’intérieur d'un espace sans extérieur .