203-RODIN/ BEUYS, SCULPTURES

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"Toute sa vie Beuys dessine avec du sang, du bouillon, du petit lait, du jus de légumes, du café, du thé, de l’eau croupie enrichie de rouille ou de poussière, d’iode ou de liquide de décapage, sculpte avec de la graisse, du miel, des morceaux de cuivre, de bois, de boites métallique, du feutre......" Rodin manipulait le plâtre, les moulages, les abattis, les recherches, les essais ......dans la matière molle et liquide . 

Torse de l'étude pour Saint Jean-Baptiste

Domaine : sculpture
Auteur(s) : Auguste RODIN
Titre : Torse de l'étude pour Saint Jean-Baptiste
Date de création : 1878 – 1887
Matériaux : Plâtre original
Dimensions : H. : 53 cm ; L. : 27 cm ; P. : 18,5 cm ; Pds. : 7,5 kg (Hors tout)
H. : 53 cm ; L. : 27 cm ; P. : 18,5 cm ; Pds. : 7,5 kg (Œuvre)

Joseph Beuys (1921-86) Bienenkönigin (für Bronzeplastik) (Reine des abeilles (pour sculpture en bronze)) 1958
Le mouvement se manifeste dans le caractère flottant de ses dessins, comme dans sa décision de ne pas utiliser de socle pour ses statues et le traitement impressionniste de leur surface, qui font du matériau un élément vivant. De la même façon, Beuys considérait la sculpture comme un processus évolutif ouvert et adaptable, vivant et oscillant entre l’ordre et le chaos, l’organique et le minéral, le chaud et le froid. Pour Beuys la pensée est la sculpture, sa forme élémentaire, et Le Penseur de Rodin est son symbole...


Joseph Beuys, Torso [Torse], 1949/1951, plâtre, fer, gaze, bois, plomb, peinture. Collection de Céline et Heiner Bastian, Berlin. Photo de Jörg von Bruchhausen, Berlin. © Succession Joseph Beuys/ SODRAC (2015)  
TORSE MASCULIN ACCROUPI
Auguste Rodin (1840 -1917)
1890
Terre cuite
H. 15, 1 cm ; L. 11,7 cm ; P. 7,8 cm
S.3791
Figure partielle manifestant une étonnante impression de vitalité, ce petit Torse masculin accroupi fut modelé par Rodin vers 1890. Les traces du travail de la terre y sont apparentes et conservent l’empreinte du geste de l’artiste.
 L’importance des formes fragmentaires, notamment le motif du torse, se manifeste de manière précoce dans le travail de Rodin. Dès 1874, alors qu’il travaille pour Van Rasbourg, il utilise une retranscription du célèbre Torse du Belvédère pour représenter l’Allégorie des arts exécutée au Palais des académies de Bruxelles.
 Dans cette terre cuite, il tire les leçons du chef d’œuvre antique. Tout comme le Torse du Belvédère, celui de Rodin présente une courbure du corps et surprend par la coupe des bras au niveau des épaules et des jambes à mi-cuisse. Mais ici le non finito fait figure de parti pris, comme le souligne J.A. Schmoll :
« Avec Rodin le torse antique et le fragment sont appréhendés « désormais comme une forme totalement autonome, comme une figure artistique ».



Les parallèles entre les oeuvres de Beuys et celles de Rodin sont relatifs aux notions " de morceaux, de fragments, de parties de corps " exprimés avec des matières malléables, molles, liquides, souples,  nous nous intéresserons alors au rapport de ces deux artistes  avec la matière flasque et le fait qu'ils la considèrent comme source d'énergie.
ainsi nous commencerons par cette " Motte de beurre " du peintre réaliste Antoine Vollon  (1833–1900) , bien sur sa matière invite à penser à la graisse chère à Beuys pour qui la graisse, ainsi que la cire d'abeille, possèdent dans leur malléabilité symbolique des qualités transformatrices et sont des véhicules d'énergie première qu'il visait à exprimer dans son art. 


Antoine VOLLON  (1833–1900) né à Lyon l un peintre réaliste français
Motte de Beurre 1875–85 huile sur toile 50,2 × 61 cm National Gallery of Art, Washington, D. C., 

Avec deux oeufs ( coquille immaculée qui proyège la vie ) cette "Motte de beurre" enveloppée d'un linge blanc d'une clarté diaphane et plantée d'un couteau lui même gainé de la matière dorée, est à la fois meurtrie et mise en forme par l'outil /arme. Nous ferons le lien avec l'oeuvre "Fettdose (1963)" ( La chaise de graisse ), dans laquelle le thermomètre planté dans la graisse témoigne de l'action de l'homme sur celle ci . Ainsi cette " Chaise de graisse "  est peut être la représentation de l'homme à son stade chaotique tel un amas de matière informe.
Le couteau planté dans la " Motte de beurre " est alors équivalent au thermomètre de " La chaise de graisse" qui peut exercer une action modelant la matière première .
La forme de la " Motte de beurre "est pyramidale et l'enveloppe diaphane semble avoir donné naissance aux deux œufs sorte d'ovoïdes de lumière, de forme pure, pureté opposée à la masse grasse et informe
Nous ferons le lien avec la forme pyramidale de l'enveloppe de feutre qui couvre Joseph Beuys lors de sa performance "  I like America and America likes Me ". Beuys est alors cette motte de graisse, il est lui même cette masse de matière première .
A propos de la graisse, il s'explique lui-même : " Mon intention, en utilisant de la graisse, était de stimuler la discussion . La souplesse du matériau m'a surtout attiré pour ses réactions aux changements de température . Cette souplesse est psychologiquement efficace : instinctivement, les gens l'associent aux processus internes, aux sentiments. Je voulais une discussion sur les potentialités de la sculpture et de la culture, leur signification, sur la nature du langage et de la créativité humaines . Aussi ai-je adopté dans ma sculpture une position extrême, choisissant un matériau essentiel à la vie et sans lien avec l'art. Ici, la graisse a un rapport direct avec le corps. Elle se transforme au contact de la chaleur humaine sans même qu'il ne la touche "
Et " le bâton eurasien"  objet symbolique qui mêle l’Europe et l’Asie, l’Europe est le lieu de l’attitude culturelle, logocentrique, anthropocentrique, rationnelle, c’est le lieu de l’Histoire. L’Asie est le lieu de la Nature, des forces obscures, où l’animal est égal à l’homme, c’est le domaine de l’irrationnel: ce " bâton eurasien " est dans la performance  "  I like America and America likes Me " l'équivalent du couteau de " La motte de beurre" et le thermomètre de " La chaise de graisse " . Le corps de Beuys tout en graisse est planté du couteau/thermomètre/ bâton eurasien qui sculpte, donne une forme à l'être humain synthétisant les forces rationnelles et irrationnelles de la Culture et de la Nature .



Joseph Beuys (1921-86), I like America and America likes Me,  galerie René Block, New York, 1974

Nous ferons le lien entre cette enveloppe de feutre de Beuys et " l' Etude de robe de chambre de Balzac" de Rodin, vide et creuse, ouverte façonnée à partir de de la main de Rodin sur le tissu trempé dans la matière molle et liquide du plâtre qui avec l'air environnant durcit et prend forme, comme dans le processus de la graisse de Beuys 

BALZAC, ÉTUDE DE ROBE DE CHAMBRE
Auguste Rodin (1840 -1917)
1897
Plâtre et tissu enduit de plâtre

H. 148 cm ; L. 57,5 cm ; P. 42 cm

S.146


À toutes les étapes de sa création, Rodin étudiait le drapé qui devait couvrir ses figures nues. Balzac était célèbre pour la robe de chambre dont il aimait se vêtir lorsqu'il travaillait chez lui, et c’est sous cet aspect que la Société des Gens de Lettres souhaitait le voir représenté.
Rodin posa une véritable robe de chambre sur son étude de corps, puis il donna au tissu la forme voulue et le rigidifia afin de le mouler. Du moule fut tiré un étrange fantôme de plâtre, un habit vide qui révèle la position du corps qu’il recouvrait. Cette étude permit au sculpteur de créer le drapé très subtil du Monument à Balzac : l’ambition de Rodin était que cette partie de l’œuvre vibre dans l’atmosphère environnante, que la lumière s’écoule sur la surface sans créer de contraste excessif.
Ainsi, la robe de chambre matérialise l’esthétique élaborée par Rodin au tournant du XXe siècle, la douceur et la fluidité rompent avec le souci de puissance encore exprimé par la tête du Balzac.( Musée Rodin)




BALZAC, ÉTUDE DE ROBE DE CHAMBRE
Auguste Rodin (1840 -1917)
1897
Plâtre et tissu enduit de plâtre
H. 148 cm ; L. 57,5 cm ; P. 42 cm
S.146

Durant la mise en oeuvre de sa sculpture de Balzac, Rodin hésite sur le vêtement, pour finalement étudier diverses positions de nus.
Il trouve enfin la structure de la figure en 1895, passe aux études de drapés. Selon le témoignage du sculpteur Pompon, Rodin "trempa sa robe de chambre dans une grande bassine de plâtre et habilla ainsi son étude". Le vêtement est de plus en plus simplifié. L'étoffe s'élargit, s'amplifie : Rodin cherche une figure que son élan porte vers le ciel, il conçoit un symbole presque abstrait de la puissance du romancier. On ne voit plus que la tête, dominant un corps renversé en arc. C'est à la chevelure qu'il imprime le mouvement. "De sa statue dominatrice, le corps frémissant dans les plis de sa robe aux manches vides, Balzac, debout, rejetant en arrière sa vaste tête de fauve aux aguets, buvait, des yeux, des narines, des lèvres, humait la rumeur tourbillonnante, l'odeur, la fièvre de la comédie humaine" (André Fontainas).
Lorsque le plâtre est exposé au Salon de 1898, les critiques se déchaînent : on raille le bloc informe. Il est comparé à un crapaud dans un sac, une statue encore emballée, un bloc de sel qui a subit une averse. On le surnomme le menhir, le bonhomme de neige. La Société refuse cette oeuvre en rupture totale avec les codes en vigueur pour le monument commémoratif, et notamment avec l'exigence réaliste du portrait. Rodin reprend alors la statue, rend l'argent, et refuse toutes les propositions d'achat. Ce n'est qu'en 1939 qu'un bronze est inauguré à Paris, boulevard Raspail. (Musée Rodin)  



Etude pour le manteau de Balzac (plâtre) photographie

D. FREULER (auteur) Auguste RODIN (sculpteur)
Lieu de prise de vue : Dépôt des marbres, Paris, France

Titre : Etude pour le manteau de Balzac (plâtre)

Date de création : 1897 vers

Techniques : épreuve sur papier salé

Dimensions : H. : 20,3 cm ; L. : 12 cm



Dans cette photographie le lien entre l'enveloppe de feutre de Beuys et " l' Etude de robe de chambre de Balzac" de Rodin, vide et creuse, ouverte, façonnée dans la matière molle et liquide du plâtre qui avec l'air environnant durcit et prend forme, comme dans le processus de la graisse de Beuys, est à l'image de l'âme de l'être humain d'avant les origines. Âme qui faisait partie de l'amas de la matière universelle, informe, "susceptible de se structurer sous le seul effet de chaleur et sans même qu'il soit nécessaire de la toucher". La chaleur exerce ici son énergie comme valeur créatrice, mettant en relation l'homme, la matière et le principe créateur cellulaire des origines de la vie. Cette relation originaire est celle à l'oeuvre dans  "  I like America and America likes Me "
Joseph Beuys (1921-86), I like America and America likes Me,  galerie René Block, New York, 1974


Joseph Beuys débute l'action" I like America and America likes Me " alors qu’une exposition est annoncée à New York, en mai 1974, dans la galerie René Block. Une ambulance se présente au domicile de l’artiste à Düsseldorf, en Allemagne. Il est alors pris en charge sur une civière, emmitouflé dans une couverture de feutre. Il va alors accomplir un voyage en avion à destination des États-Unis, toujours isolé dans son étoffe. À son arrivée à l’aéroport Kennedy de New York, une autre ambulance l’attend. Surmontée d'un gyrophare et escortée par les autorités américaines, elle le transporte jusqu’au lieu d’exposition. De cette façon, Beuys ne foulera jamais le sol américain à part celui de la galerie : il avait en effet refusé de poser le pied aux États-Unis tant que durerait la guerre du Viêt Nam. Il coexiste ensuite pendant trois jours avec un coyote sauvage, récemment capturé dans le désert du Texas, qui attend derrière un grillage. Avec lui, Beuys joue de sa canne, de son triangle et de sa lampe torche. Il porte son habituel chapeau de feutre et se recouvre d’étoffes, elles aussi en feutre, que le coyote s’amuse à déchirer. Chaque jour, des exemplaires du Wall Street Journal, sur lesquels le coyote urine, sont livrés dans la cage. Filmés et observés par les visiteurs derrière un grillage, l’homme et l’animal partageront ensemble le feutre, la paille et le territoire de la galerie avant que l’artiste ne reparte comme il était venu. ( Joseph Beuys Fanclub)

Le point central de cette performance réside dans la mise en oeuvre physique de l'énergie que Joseph Beuys a développé dans ses œuvres graphiques. Dans le contexte de sa philosophie du monde vu comme un tout organique, Beuys a exploré le potentiel de l'énergie spirituelle. Ces énergies physiques et spirituelles se projettent dans le "plan énergie", point central de toute son oeuvre.

Nous questionnerons le " Trio " à l"oeuvre dans cette performance: nous avons un être humain enveloppé dans du feutre/tel une motte de graisse/forme originaire des origines, un coyote et des journaux livrés tous les jours: en ce sens nous pouvons faire le lien avec la peinture " La raie " de Chardin .
La composition pyramidale est dans la peinture " La motte de Beurre" de Vollon, dans la silhouette de l'enveloppe de feutre de Beuys et dans la Robe de chambre de Balzac. La forme morte et sanguinolente centrale de la raie est celle de l'artiste Beuys dans la graisse et Balzac dans la robe de plâtre, le chat y est le coyote de Beuys, les oeufs de Vollon et l’énergie vitale de Balzac, quand à  la cruche et le chaudron ils sont les journaux de Beuys et les livres de Balzac . Le couteau de Vollon est la cane de Beuys et le crochet qui tient la raie verticale



Jean-Siméon CHARDIN (Paris, 1699 - Paris, 1779), La raie , Vers 1725 - 1726 , H. : 1,14 m. ; L. : 1,46 m. Morceau de réception de l’artiste à l’Académie.Collection de l'Académie. Pendant du tableau Le buffet

Dans La Raie, ce "monstre étrange", Proust admira "la beauté de son architecture délicate et vaste, teintée de sang rouge, de nerfs bleus et de muscles blancs, comme la nef d'une cathédrale polychrome".
Une étrange mise en scène
À la cruche et au chaudron, accessoires inertes à droite, s'opposent à gauche la tension et l'étrangeté du petit chat, au poil hérissé, qui semble être apeuré par une scène située hors du tableau. Cette étrange mise en scène d'objets disposés autour d'une raie écorchée, évoquant "Le Boeuf écorché " de Rembrandt, a étonné tous les peintres - jusqu'à Matisse - en raison du regard vide de cet animal fantomatique qui attire l'oeil du spectateur. Le réalisme de la représentation des éléments de cette fausse nature morte a depuis toujours servi d'exemple. 
La composition du tableau pourrait s’apparenter à une imbrication de structures pyramidales: la raie au centre, le chat d’une part et les accessoires de cuisine d‘autre part - Chardin proposant une composition simple, mettant en évidence la figure centrale de la raie accrochée à un mur dépouillé de tout élément encombrant. Entre les deux parties du tableau, une raie, silhouette blanche en forme de losange déployant un jeu de diagonales assurant la transition entre l’inanimé d’un côté et le vivant de l’autre. 

Le spectateur est confronté à un réalisme cru, celui-là même que Rembrandt convoque à son tour dans “Le boeuf écorché”.
Il s’agit d’un corps animal éviscéré. Voici ce qu’écrit Diderot à son sujet : « L’objet est dégoûtant; mais c’est la chair même du poisson. C’est la peau. C’est son sang; l’aspect même de la chose n’affecterait pas autrement. » ( Le Louvre) 

Cette masse de matière informe est une sorte cadavre écorché qui constitue l'élément au centre des œuvres étudiées (La motte de beurre, Coyote, Balzac) 



Harmensz. van Rijn Rembrandt (1606-1669), Bœuf écorché, 1655, huile sur bois, 94 x 69 cm, Paris, musée du Louvre

Ainsi nous ferons le lien avec “Le boeuf écorché” que Rembrandt conserva précieusement jusqu’à la vente de son atelier, suite à sa faillite. La monumentale carcasse éventrée de bœuf pendu à un croc à l’étal d’une boucherie est la Raie de Chardin, la motte de beurre de Vollon, Beuys dans le feutre et la robe de chambre de Balzac de Rodin. Toutes ces masses de matières originelles occupent l’espace central de la scène. On aperçoit sur la gauche la tête et le haut du corps d’une femme sortant d’une pièce attenante, cela est l'élément vivant comme le chat de la raie de Chardin, les oeufs de Vollon, le coyote de Beuys, l'énergie de Balzac. 
Harmensz. van Rijn Rembrandt (1606-1669), Bœuf écorché, 1655, huile sur bois, 94 x 69 cm, Paris, musée du Louvre , détail de la femme en arrière plan -

Ainsi nous ferons le lien entre cette carcasse centrale, masse de puissance et d'énergie primordiale, et " L' Etude de Torse de Saint Jean Baptiste" de Rodin présentée dans cette succession de photos tournant autour de la sculpture suspendue au crochet du présentoir, telle un morceau de carcasse à l'étal comme la Raie, la Motte de beurre, le Balzac et Beuys  

Torse de l'étude pour Saint Jean-Baptiste

Domaine : sculpture
Auteur(s) : Auguste RODIN
Date de création : 1878 – 1887
Matériaux : Plâtre original
Dimensions : H. : 53 cm ; L. : 27 cm ; P. : 18,5 cm ; Pds. : 7,5 kg (Hors tout)
H. : 53 cm ; L. : 27 cm ; P. : 18,5 cm ; Pds. : 7,5 kg (Œuvre)


Torse de l'étude pour Saint Jean-Baptiste, sculpture, Auguste RODIN


Torse de l'étude pour Saint Jean-Baptiste, sculpture, Auguste RODIN


Torse de l'étude pour Saint Jean-Baptiste, sculpture, Auguste RODIN


Torse de l'étude pour Saint Jean-Baptiste, sculpture, Auguste RODIN

Ainsi nous ferons le lien entre cette carcasse centrale, masse de puissance et d'énergie primordiale de " L' Etude de Torse de Saint Jean Baptiste" de Rodin démultipliée dans cette succession de photos tournant autour de la sculpture suspendue au crochet du présentoir, telle un morceau de carcasse à l'étal comme la Raie, la Motte de beurre, le Balzac et Beuys avec " Les quartiers de boeufs " de Kounellis . Démultipliés, répétés dans ces cadres de métal, les quartiers semblent nous représenter dans notre multiplicité, comme si l'aspect unique et cenral de la Raie, de la Motte de beurre, du Boeuf, du St Jean Baptiste, de Beuys résonnait comme un écho par lequel nous sommes tous concernés .

Yannis Kounellis, 1936/2017, Grèce, Quart de beauf Barcelone Espai poublenou 1989 


Yannis Kounellis, 1936/2017, Grèce, Quart de beauf Barcelone Espai poublenou 1989 

Yannis Kounellis poursuit son lien avec l'organique  avec des installations dans lesquelles à la vitalité du feu succède l'obscure présence de la suie pendant que les animaux vivants cèdent le pas à des animaux empaillés. Le sommet de ce processus est peut-être le grandiose travail présenté aux Espai Poublenou de Barcelone en 1989, caractérisé par des quarts de bœuf fraîchement abattus, fixés au moyen de crochets à des plaques métalliques et éclairés de lampes à huile.

Yannis Kounellis, 1936/2017, Grèce, Quart de beauf Barcelone Espai poublenou 1989 


Jenny Saville, Torso 2 (2004). huile sur toile, 360 cm. x 294 cm. The Saatchi Gallery, London Contemporary Art Gallery.



«Je ne donne pas un décor à mes personnages, ils ne sont jamais dans une pièce, il n'y a pas de récit, c'est de la chair, et la peinture elle-même est le corps."


John Deakin, Francis Bacon avec deux carcasses de boeuf (1962). photographie pour le magazine Vogue. The Art Institute of Chicago.

Cette photo de " Francis Bacon avec deux carcasses de boeuf "(1962) est une éblouissante nature morte, à la puissance d'une vanité et d' un « memento mori ».  En peinture une vanité désigne une représentation allégorique de la mort, du passage du temps et de la vacuité des activités humaines. L’origine du terme se trouve dans « l’Ecclésiaste », un des livres de l’ancien testament de la Bible : « vanités des vanités, tout est vanité ».Memento mori : « souviens-toi que tu vas mourir », est un genre de création artistique (peinture, sculpture...) dont le but est de rappeler aux hommes qu’ils sont mortels et la vanité de leurs activités terrestres. 


John LeKay, This is my body, this is my blood (1987). carcasse d'agneau sur bois

Ainsi John LeKay dans cette photographie de carcasse d'agneau intitulée " Ceci est mon corps ceci est mon sang" nous rappelle dans notre propre corps la présence christique du sacrifice en lien avec le monde animal et celui de la nature dans la présentation verticale de la carcasse sur le bois, comme la raie , comme Beuys, comme le Balzac et le Boeuf et la Motte de beurre 


Nicola Costantino, Reine Papillon. rencontre entre Nicola Costantino, Francis Bacon y Joel Peter Witkin (2011). Inkjet print. 100 cm. x 100 cm. Edition de 6.



Yasumasa Morimura, White Darkness (1994-2008). photographie, impression à la gélatine argentique
168,0 × 135,0 Taille (cm)

Depuis les années 1980, Morimura Yasumasa est connu pour ses autoportraits transgressifs qui s'identifient à des images d'histoire de l'art, à des actrices de films célèbres et à des personnages iconiques du XXe siècle. White darkness 1994 (imprimé en 2008), une partie de son ensemble d'œuvres 'Rembrandt Room', est une image troublante et puissante, montrant Morimura à côté d'une carcasse bovine écorchée, nue portant une étonnante paire de chaussures à talons hauts et d'un béret style Renaissance. Le travail se réfère le plus précisemment au Boeuf écorché qui dans la tradition de l'art est une métaphore de la crucifixion viscérale ayant pour origine la parabole du fils prodigue, et inclue dans une lignée qui vat de Rembrandt, à Francis Bacon, à Damien Hirst. À travers une série d'allusions et de subversions subtiles , l'image à plusieurs niveaux de Morimura confronte les notions d'une expression nationale, culturelle et sexuelle fixe, se présentant comme une métaphore avec un certain nombre de fils narratifs importants .
Le féminin et le masculin confondus rejoignent le monde animal de Coyote, de la Raie et le monde végétal du bois, du feutre du beurre 


Joseph Beuys, Torso [Torse], 1949/1951, plâtre, fer, gaze, bois, plomb, peinture. Collection de Céline et Heiner Bastian, Berlin. Photo de Jörg von Bruchhausen, Berlin. © Succession Joseph Beuys/ SODRAC (2015)
"La vanité dit d'abord la métamorphose, l'instabilité des formes du monde, des articulations de l'être, la perte d'identité et d'unité, qui le livre au changement incessant ; elle dit le monde en état de chancellement, la réalité en état d'inconstance et de fuite, et du même coup, liée à ce statut, la relativité de toute connaissance et de toute morale."
Louis Marin « Les traversées de la Vanité «

Edward Steichen (1879 -1973) The Open sky, 11 p.m.
1908
Tirage au charbon
H. 25,2 cm ; L. 22 cm

Ph.235

« Vos photographies feront comprendre au monde mon Balzac » s’enthousiasme Rodin, en 1908, quand Edward Steichen lui montre la série des Balzac nocturnes.
Rodin n’a pas oublié le scandale de 1898 autour de son œuvre qu’il considérait alors comme l’essence même de son esthétique. Le jeune photographe pictorialiste s’était passionné pour cette sculpture de Rodin alors qu’il vivait encore aux États-Unis et qu’un journal local de Milwaukee (Wisconsin) en avait publié une reproduction. Sept ans après la rencontre des deux hommes à Paris, le sculpteur commande à Steichen des photographies, « à la lumière de la lune », de son Balzac qui n’existe alors qu’à l’état de plâtre.

Steichen passe deux nuits entières à travailler dans les jardins de Meudon, explore pour la première fois les possibilités de l’éclairage lunaire et réussit, grâce à des temps de pose très longs, quelques clichés spectaculaires. Le moment exact de chaque cliché est précisément noté - The Open sky est pris à onze heures du soir - ainsi que la position. Perfectionniste, le photographe passe ensuite plusieurs semaines dans son laboratoire, à chercher l’unique teinte bleu-vert qui permette de renforcer l’effet de nuit. Lui-même écrit qu’il a « peint » le Balzac tant son œuvre s’apparente à un tableau.
Joseph Beuys choisissant ses matériaux pour leur qualité 
de conducteur, « au travers de quoi quelque chose se meut » 
: graisse et feutre, certes, mais aussi cire d’abeille, gaze, huile, miel…Ainsi de la dramatique couverture de feutre de Joseph Beuys, qui dit l’angoisse de Saint Barthélémy que son martyre dépiauta ou du satyre Marsyas qu’Apollon dépouilla, Coyote est une Vanité, la masse d'énergie primordiale du Balzac est comme en Grèce où tout terme a une origine sacrée, véhiculée par un mythe, et divinisée par un peuple de marin, les eaux primordiales étant le flot même du chaos qui prend et relache et transforme et reprend et recommence .....
" C’est clair, lorsque certaines idées ou certaines énergies de l’homme, qui tendent à une réalisation, se heurtent à de gros obstacles et sont par conséquent freinées - comme c’est aujourd’hui le cas pour tous ces hommes qui voudraient aller plus loin mais que les circonstances quotidiennes de la vie et les systèmes politiques bloquent - il se produit tout simplement un effet de rayonnement. C’est cette volonté entravée qui rayonne. Voici aussi le sens de certaines sculptures très ramassées, denses comme les tas de feutre que j’appelle agrégats ou machines productrices d’énergie - non parce qu’elles produisent du courant électrique, mais parce qu’elles sont censées avoir ce "rayonnement intérieur ". Au sens métaphorique, bien sûr. Elles fournissent une indication sur une force qui devrait être mise en oeuvre dans chaque homme. "
Joseph Beuys, Lebeer p. 184