212-ADRIAN BONOMINI, ARCHITECTURE AUSTRALIENNE


ARCHITECTURE AUSTRALIENNE ENTRE CONTEMPORAIN ET ABORIGÈNE 

«Tucks Ridge House» Péninsule de Mornington, Victoria, architecte Adrian Bonomi, Australie, 2018

«Tucks Ridge House» est une nouvelle interprétation d'une habitation rurale traditionnelle. Le projet en Australie , comme beaucoup d'autres travaux, était un partenariat entre l'architecte et le client. L'architecte Adrian Bonomi a voulu intégrer le paysage pastoral pour qu'il se tourne lentement vers les terres arborées indigènes et les cours d'eau. «Tout travail d'architecture doit viser à posséder une qualité sculpturale robuste et plastique qui réponde au client, au contexte et au temps présent », explique l'architecte. Surtout, la propriété établit un dialogue avec le paysage - en partie grâce à son expression sculpturale. sa forme inhabituelle fournit des espaces de vie de qualité qui améliorent la vie quotidienne dans ces terres.
«Tucks Ridge House» Péninsule de Mornington, Victoria, architecte Adrian Bonomi, Australie, 2018
adrian bonomi
«Tucks Ridge House» Péninsule de Mornington, Victoria, architecte Adrian Bonomi, Australie, 2018
«Tucks Ridge House» Péninsule de Mornington, Victoria, architecte Adrian Bonomi, Australie, 2018, Coupe

«Tucks Ridge House» Péninsule de Mornington, Victoria, architecte Adrian Bonomi, Australie, 2018, Coupe

«Tucks Ridge House» Péninsule de Mornington, Victoria, architecte Adrian Bonomi, Australie, 2018
«Tucks Ridge House» Péninsule de Mornington, Victoria, architecte Adrian Bonomi, Australie, 2018

La conception d' Adrian Bonomi répond à une combinaison d'idées clés. Tout d'abord, après une vie de travail dans le domaine des affaires, le client a souhaité s'ancrer dans un paysage naturel et «se connecter spirituellement avec la terre et les cieux». Cela a inspiré le toit qui rencontre fermement le sol, mais s'élève aussi vers le ciel. D'autre part, les ondoiements des collines du paysage et de la forêt s’entrelacent à la canopée en acier galvanisé du bâtiment. Le toit agit comme un miroir du ciel, comme une feuille aérodynamique dans les courants des vents, et à certains moments de la journée, avec une certaine lumière, la toiture peut sembler se fondre avec le ciel. Enfin, une étude de l'histoire de l'architecture rurale australienne a été menée, conduisant à une analyse plus riche du vernaculaire de hangar australien, du travail raffiné de l'architecte australien Glenn Murcutt Prix Pritzker 2002 et du vernaculaire abritant les aborigènes d'Australie.adrian bonomi
«Tucks Ridge House» Péninsule de Mornington, Victoria, architecte Adrian Bonomi, Australie, 2018

«Tucks Ridge House» Péninsule de Mornington, Victoria, architecte Adrian Bonomi, Australie, 2018

La réponse formelle qui en résulte n'est visuellement pas plus complexe qu'une tente, mais cette simplicité permet à la relation entre l'architecture et le paysage de devenir profonde.
Les ouvertures traversantes creusés dans le bâtiment créent des espaces extérieurs abrités du vent ou du soleil en fonction des conditions météorologiques.
Les espaces intérieurs sont concernés par la recherche de sérénité et de tranquillité, de sorte que les sons de la faune indigène, l'odeur de la forêt et des champs et la météo le traversent. Il y a des quantités égales d'abri et de vues perspectives.
Les détails du bâtiment sont raffinés, dépouillés et sans couture pour accentuer la composition globale et la simplicité de la construction .
Le constructeur est Peter Drummond & Chef Charpentier: Andrew Fowler Aménagement paysager: (Aust.) Wetland & Wildlife Creations
Photographie intérieure de Benjamin Hosking et photographie extérieure d'Adrian Bonomi
Un film sur 
«Tucks Ridge House» a été réalisé par Kendall Monk
adrian bonomi«Tucks Ridge House» Péninsule de Mornington, Victoria, architecte Adrian Bonomi, Australie, 2018
adrian bonomi«Tucks Ridge House» Péninsule de Mornington, Victoria, architecte Adrian Bonomi, Australie, 2018
adrian bonomi«Tucks Ridge House» Péninsule de Mornington, Victoria, architecte Adrian Bonomi, Australie, 2018
adrian bonomi«Tucks Ridge House» Péninsule de Mornington, Victoria, architecte Adrian Bonomi, Australie, 2018

«Tucks Ridge House» Péninsule de Mornington, Victoria, architecte Adrian Bonomi, Australie, 2018
«Tucks Ridge House» Péninsule de Mornington, Victoria, architecte Adrian Bonomi, Australie, 2018
«Tucks Ridge House» Péninsule de Mornington, Victoria, architecte Adrian Bonomi, Australie, 2018
«Tucks Ridge House» Péninsule de Mornington, Victoria, architecte Adrian Bonomi, Australie, 2018
«Tucks Ridge House» Péninsule de Mornington, Victoria, architecte Adrian Bonomi, Australie, 2018

floor plan «Tucks Ridge House» Péninsule de Mornington, Victoria, architecte Adrian Bonomi, Australie, 2018
elevations «Tucks Ridge House» Péninsule de Mornington, Victoria, architecte Adrian Bonomi, Australie, 2018

"Tucks Ridge House", Balnarring – Building Information
Project size: 250 sqm
Site size: 28000 sqm
Completion date: 2017
Building levels: 1

En lien avec "Tucks Ridge House" nous questionnerons la place de l'habitation aborigène dans l'architecture contemporaine d'Australie.
Laurent Dousset, dans son ouvrage « Habitation Fixe ou campement de fortune ? »"Techniques & Culture" à traité des points que nous allons reprendre:
" En analysant la structure résidentielle d’une communauté aborigène, l’objectif de cet article est de montrer que si les habitations de « fortune » des aborigènes sous la forme de campements mobiles sont préférées aux habitations fixes à l’occidentale, qui sont délaissées et démontées, c’est parce que ces dernières ne permettent pas de répondre aux principes de l’organisation sociale et territoriale particulière — et non pas générique à l’Australie entière — qui articulent les rapports sociaux dans la région qui nous intéresse."

" le continent australien fut habité exclusivement par des sociétés du type « chasseurs-cueilleurs nomades », et considéré être la forme ancestrale de l’existence humaine en société. Thomas Robert Malthus, né près de Guildford (Surrey) 1766/ 1834, est un économiste britannique de l'École classique, et également un prêtre anglican, dans son «  Essai sur le principe de population « (1986 [1798]) déjà pensait que les Aborigènes constituaient la civilisation la plus primitive parmi toutes les civilisations existantes. L’apparente absence de la notion de progrès dans ces sociétés fut, quand à elle, expliquée par leur isolement et donc par l’absence de contact avec d’autres formes culturelles qui auraient pu faire évoluer les structures et pratiques. Nous savons aujourd’hui que ce postulat est faux. Les Aborigènes échangeaient avec les sociétés de la Nouvelle-Guinée et travaillaient même sur les rizières saisonnières des Indonésiens de Macassar qui revenaient sur le continent chaque année depuis des siècles pour récolter la bêche-de-mer. "

Les gens résident aujourd’hui dans deux types d’habitations « de fortune » qui ressemblent fortement aux habitations traditionnelles dont nous parlions plus haut, à savoir les huttes de type wiltja  et les brise-vents de type yuu .
Un wiltja moderne construit à partir de tôle ondulée, ici les restes d’un ancien réservoir d’eau. Ce type d’habitation est le plus souvent collectif, dans ce cas particulier il s’agit de la maison des veuves.
Un yuu contemporain Comme pour le yuu traditionnel, il s’agit d’un simple brise-vent construit à partir des matériaux à disposition dans les alentours (sable, pierres, grillage, branches, etc.). Ce qui paraît un espace désordonné est en réalité bien organisé et codifié. L’espace domestique possède deux foyers, celui siué au premier plan est utilisé pour la cuisson, celui plus près du brise-vent pour réchauffer les dormeurs la nuit. Les effets personnels sont cachés dans le yuu lui-même, au fond, qui est la partie la plus privée de l’espace. Le foyer de cuisson au premier plan est dirigé vers l’entrée publique. Personne, hormis les résidents eux-mêmes, ne se permettra de pénétrer cet espace aux limites invisibles sans y avoir été invité, et les visiteurs entreront par le côté public s’asseyant autour du premier foyer sans s’approcher davantage du yuu lui-même (1994).   

widja des veuves
Wiltja
Les wiltja sont des habitations plus permanentes que les yuu et construites dans des contextes de mobilité réduite, par exemple pendant les cérémonies ou lorsque les conditions climatiques sont particulièrement rudes. De l’herbe spiniflex (Triodia spp. ) et des tiges d’acacias sont posées sur une armature de branches épaisses (cf. Memmott 2007). Les parois intérieures abritent, comme pour le yuu, les effets personnels. Photographie prise en 1967 à Kudjuntari, à proximité de la station métérologique Giles (reproduite avec l’autorisation du South Australian Museum, Adelaide). 

" Les distances parcourues par les nomades arborigènes en périodes de sécheresse — qui étaient plutôt la norme — étaient considérables, vingt kilomètres au quotidien n’étant pas une exception. En ces périodes de nomadisme extensif, les campements étaient légers et temporaires, constitués de simples brises vents (yuu) abandonnés le lendemain .
Les yuu traditionnels des Aborigènes du Désert de l’Ouest sont de simples brise-vents fabriqués avec des pierres, des tas de sable et des branches qui abritent également les effets personnels. Les yuu forment un arc protégeant des vents dominants et incluent plusieurs foyers, dont l’un pour la cuisson et d’autres pour réchauffer les nuits." 


yuu contemporain
yuu

" L’habitation aborigène
Lorsque nous sommes arrivés pour la première fois dans la communauté Ngaatjatjarra en 1994, une partie importante des baraques venait d’être construite. Auparavant, les familles résidaient dans des campements « de fortune » sur lesquels nous reviendrons ci-dessous. Après une première occupation enthousiaste par les Ngaatjatjarra, ces baraques furent pourtant rapidement et majoritairement abandonnées et les familles rétablirent leurs campements dans l’espace situé entre les maisons. En 1999 déjà, ces baraques étaient dans un état fortement dégradé, confirmant ainsi l’a priori de l’administration pour qui les Aborigènes sont incapables de maintenir en état de fonctionnement la « matérialité » occidentale. Certaines plaques de tôle qui constituaient les parois avaient disparu, transformant les pièces en véranda n’ayant pour utilité que celle de protéger les feux des averses sporadiques.
Quelques années seulement après leur construction, les baraques en tôle étaient en mauvais état et ne servaient le plus souvent que pour abriter les feux en temps de pluie. "

baraques

Les wiltja fonctionnent comme des habitations collectives pour les veuves qui se regroupent ainsi dans ce qui est nommé un yarlukuru, ou les veufs qui s’installent ensemble dans un tawarra. Les autres habitations, de type yuu, sont nommées ngurra, terme qui désigne à la fois le territoire global d’un groupe, la communauté résidentielle dans son ensemble, ainsi que les foyers individuels qui s’y situent.
Pourquoi les gens avaient-ils quitté ces baraques neuves pour s’installer dans des wiltja et des yuu « de fortune » ? Qui ou quoi était la source de cette négligence et de cette incapacité, qu’avancent nombreux acteurs occidentaux, à faire le pas vers la modernité ? Nous allons montrer que, au contraire, la structure résidentielle en wiltja et yuu témoigne d’une formidable capacité d’adaptation à des conditions nouvelles — la sédentarisation dans une communauté « administrative » — tout en répondant à des normes associées à la communauté d’appartenance qui en constitue la substance. En effet, l’aspect problématique de ces baraques occidentales n’est pas seulement lié à la chaleur intenable que dégagent les tôles en été, mais bien davantage à l’incapacité de les déplacer et de les orienter selon des principes sociaux.

Orientation et emplacement des campements « de fortune »
L’habitation « de fortune », quant à elle, permet au contraire de répondre à trois des principes sociaux que nous avons identifiés dans ce contexte : l’emplacement des foyers en direction du groupe régional d’appartenance, la régulation des distances entre foyers selon les rapports de parenté, et la nécessaire transparence sur les avoirs économiques dans un contexte de sollicitation permanente.

Enfin, le dernier critère que nous relevons pour expliquer l’abandon des habitations en tôle concerne les mécanismes de redistribution économique. Les sociétés aborigènes ont été décrites comme des sociétés de la non-accumulation des richesses et de la redistribution des biens. Testart (1985) parlait même d’un communisme primitif, et d’autres, plus romantiques, ont utilisé le concept d’altruisme à leur égard. C’est la notion de demand-sharing proposée par Peterson (1993) qui reflète la réalité des rapports économiques. Les Aborigènes, explique-t-il, ne redistribuent pas volontairement et de manière altruiste les biens qu’ils possèdent. La redistribution doit être exigée par ceux qui en ont le droit en suivant les relations de parenté. Ainsi, le partage n’est pas volontaire, mais sollicité. À cette notion simple et pourtant fondamentale, il nous faut ajouter une condition essentielle : encore faut-il être au courant des propriétés d’autrui avant de pouvoir exiger. Toute personne qui vivrait « cachée » dans une maison en tôle fermée serait suspecte de cacher des richesses et ferait l’objet de sollicitations permanentes. Le campement de « fortune » de type yuu  permet au contraire de faire preuve de transparence, car aucun objet ou paroi empêche de voir ce qui se trouve à l’intérieur de l’espace privé. Les distances entre les campements et leur orientation sont ainsi établies de sorte à être observé sans être entendu.

Les habitations « de fortune » possèdent ainsi des avantages indiscutables, car elles permettent de concilier l’espace résidentiel avec l’espace social et la communauté administrative avec la communauté d’appartenance. Ces habitations sont de deux types. Le premier, le wiltja se caractérise par une certaine permanence, des matériaux choisis pour durer, et des emplacements qui ne sont que rarement modifiés. Mais leur utilisation est limitée à des contextes particuliers, comme des réunions cérémonielles prolongées ou les campements des veufs et des veuves. Le yuu, au contraire, constitue l’habitation la plus souvent déployée. Il est un espace structuré mais ouvert et transparent. Les matériaux utilisés sont ceux à disposition à proximité. Ils sont facilement abandonnés dès que le campement nécessite réorientation ou déplacement. En privilégiant le yuu, les Ngaatjatjarra, et avec eux d’autres groupes du Désert de l’Ouest, sont restés des nomades au sein de leur propre communauté, permettant à la structure résidentielle de fonctionner comme une cartographie des rapports sociaux et des normes et valeurs qui les qualifient."

Ainsi nous pouvons constater que l'architecture contemporaine comme celle d'Arian Bonomi, en s'inspirant des habitations aborigènes montre sa prise de distance avec l'habitation australienne à l'occidentale et établit ses critères de fonctionnement sur ceux des aborigènes.