224-BEUYS " COYOTTE "/ CHARDIN " LA RAIE "


NOUS ALLONS OBSERVER LES LIENS ENTRE " COYOTE" DE JOSEPH BEUYS ET " LA RAIE" DE JEAN-SIMEON CHARDIN

Les archétypes des oeuvres et productions de Beuys sont relatifs aux notions de matériaux transmetteurs exprimés par des matières malléables, molles, souples qu'il considère comme source de transmission d'énergie. A cela Beuys intègre la présence d'animaux, morts comme le lièvre, ou vivants comme le coyote ou le cheval . 
DANS " LA RAIE " ET DANS " COYOTE" NOUS DIRONS ALORS : QUEL EST LE SENS DE LA MORT ?

 Joseph Beuys (1921-86), I like America and America likes Me,  galerie René Block, New York, 1974

Joseph Beuys (1921-86), I like America and America likes Me,  galerie René Block, New York, 1974

Dans cette photographie le lien entre l'enveloppe de feutre de Beuys et le mourant transporté en urgence est à l'image de l'âme de l'être humain d'avant les origines. Âme qui faisait partie de l'amas de la matière universelle, informe, "susceptible de se structurer sous le seul effet de chaleur et sans même qu'il soit nécessaire de la toucher". La chaleur exerce ici son énergie comme valeur créatrice, mettant en relation l'homme, la matière et le principe créateur cellulaire des origines de la vie. Cette relation originaire est celle à l'oeuvre dans  "  I like America and America likes Me "
En effet si Beuys se rend aux USA et entreprend un tel voyage, dans ces conditions là et avec cette mise en scène médicalisée, c'est qu'il en attend un renouveau, un déclencheur, un signal plein d'espoir, par lequel il espère cicatriser ou arrêter le processus mortel. 
Joseph Beuys (1921-86), I like America and America likes Me,  galerie René Block, New York, 1974

" Joseph Beuys débute l'action" I like America and America likes Me " alors qu’une exposition est annoncée à New York, en mai 1974, dans la galerie René Block. Une ambulance se présente au domicile de l’artiste à Düsseldorf, en Allemagne. Il est alors pris en charge sur une civière, emmitouflé dans une couverture de feutre. Il va alors accomplir un voyage en avion à destination des États-Unis, toujours isolé dans son étoffe. À son arrivée à l’aéroport Kennedy de New York, une autre ambulance l’attend. Surmontée d'un gyrophare et escortée par les autorités américaines, elle le transporte jusqu’au lieu d’exposition. De cette façon, Beuys ne foulera jamais le sol américain à part celui de la galerie : il avait en effet refusé de poser le pied aux États-Unis tant que durerait la guerre du Viêt Nam. Il coexiste ensuite pendant trois jours avec un coyote sauvage, récemment capturé dans le désert du Texas, qui attend derrière un grillage. Avec lui, Beuys joue de sa canne, de son triangle et de sa lampe torche. Il porte son habituel chapeau de feutre et se recouvre d’étoffes, elles aussi en feutre, que le coyote va déchirer. Chaque jour, des exemplaires du Wall Street Journal, sur lesquels le coyote urine, sont livrés dans la cage. Filmés et observés par les visiteurs derrière un grillage, l’homme et l’animal partageront ensemble le feutre, la paille et le territoire de la galerie avant que l’artiste ne reparte comme il était venu. 
( Joseph Beuys, Galerie André Block) "

Le point central de cette performance réside dans la mise en oeuvre physique de l'énergie que Joseph Beuys a développé dans le contexte de sa philosophie du monde vu comme un tout organique . Beuys y a exploré le potentiel de l'énergie spirituelle. Ces énergies physiques et spirituelles se projettent dans le "plan énergie", point central de toute son oeuvre.

Nous questionnerons le " Trio " des protagonistes à l"oeuvre dans cette performance : nous avons un être humain enveloppé dans du feutre, un coyote et des journaux livrés tous les jours : en ce sens nous pouvons faire le lien avec la peinture " La Raie " de Chardin .
La forme morte et sanguinolente centrale de la raie est celle de l'artiste Beuys dont 
la silhouette est enveloppée de feutre et transporté en ambulance, le chat y est le coyote de Beuys,  quand à  la cruche et le chaudron ils sont les journaux de Beuys  et les nouvelles de vie quotidienne.




Joseph Beuys (1921-86), I like America and America likes Me,  galerie René Block, New York, 1974

Jean-Siméon CHARDIN (Paris, 1699 - Paris, 1779), La raie , Vers 1725 - 1726 , H. : 1,14 m. ; L. : 1,46 m. Morceau de réception de l’artiste à l’Académie.Collection de l'Académie. Pendant du tableau Le buffet, Les Objets du quotidien

Joseph Beuys (1921-86), I like America and America likes Me,  galerie René Block, New York, 1974, Le Coyote est le vivant

Jean-Siméon CHARDIN (Paris, 1699 - Paris, 1779), La raie , Vers 1725 - 1726 , H. : 1,14 m. ; L. : 1,46 m. Morceau de réception de l’artiste à l’Académie.Collection de l'Académie. Pendant du tableau Le buffet, Le chat est Le Vivant

Joseph Beuys (1921-86), I like America and America likes Me,  galerie René Block, New York, 1974, Beuys est le mort
Jean-Siméon CHARDIN (Paris, 1699 - Paris, 1779), La raie , Vers 1725 - 1726 , H. : 1,14 m. ; L. : 1,46 m. Morceau de réception de l’artiste à l’Académie.Collection de l'Académie. Pendant du tableau Le buffet, La Raie est la mort

Jean-Siméon CHARDIN (Paris, 1699 - Paris, 1779), La raie , Vers 1725 - 1726 , H. : 1,14 m. ; L. : 1,46 m. Morceau de réception de l’artiste à l’Académie.Collection de l'Académie. Pendant du tableau Le buffet

Dans La Raie, ce "monstre étrange", Proust admira "la beauté de son architecture délicate et vaste, teintée de sang rouge, de nerfs bleus et de muscles blancs, comme la nef d'une cathédrale polychrome".
Une étrange mise en scène
À la cruche et au chaudron, accessoires inertes à droite, s'opposent à gauche la tension et l'étrangeté du petit chat, au poil hérissé, qui semble être apeuré par une scène située hors du tableau. Cette étrange mise en scène d'objets disposés autour d'une raie écorchée,  a étonné tous les peintres - jusqu'à Matisse - en raison du regard vide de cet animal fantomatique qui attire l'oeil du spectateur. Le réalisme de la représentation des éléments de cette fausse nature morte a depuis toujours servi d'exemple. 
La composition du tableau pourrait s’apparenter à une imbrication de structures pyramidales: la raie au centre, le chat d’une part et les accessoires de cuisine d‘autre part - Chardin proposant une composition simple, mettant en évidence la figure centrale de la raie accrochée à un mur dépouillé de tout élément encombrant. Entre les deux parties du tableau, une raie, forme blanche et flasque en forme de losange construite sur un jeu de diagonales et formant la transition entre l’inanimé d’un côté et le vivant de l’autre. 
La forme blanche en losange de la raie se structure dans un jeu d’obliques , lignes dynamiques par lesquelles elle s’impose dans l’espace, les effets de texture renforce cette présence spatiale. 

La blancheur si particulière de ce poisson fait face au spectateur et l'absorbe dans l'univers épais de ce qui devrait rester caché et qui se montre : la mort béante nous fait face en prenant la place d’un animal qui pose dans tout son aspect mortel pour le peintre, tel un modéle. La Raie crée alors une porte, un espace d'entrée dans l'univers de la mort dans une forme et une matière engloutissante.
Voici ce qu’écrit Diderot à son sujet : « L’objet est dégoûtant; mais c’est la chair même du poisson. C’est la peau. C’est son sang; l’aspect même de la chose n’affecterait pas autrement. » ( Le Louvre) Le sujet principal de " La Raie " de Chardin est donc la mort

ainsi dans ce lien entre la mort, la matière flasque et les matériaux chers à Beuys, nous évoquerons la " Motte de beurre " du peintre réaliste Antoine Vollon  (1833–1900) , sa matière invite à penser à Beuys pour qui la graisse, ainsi que la cire d'abeille, possèdent dans leur malléabilité symbolique des qualités transformatrices et sont des véhicules d'énergie première qu'il visait à exprimer dans son art. 
Nous allons regarder les liens entre " La Raie " de Chardin, " Coyote " de Beuys, " La Motte de beurre " de Vollon et la mort.
Antoine VOLLON  (1833–1900) né à Lyon l un peintre réaliste français
Motte de Beurre 1875–85 huile sur toile 50,2 × 61 cm National Gallery of Art, Washington, D. C., 

Avec ces deux oeufs ( coquille immaculée qui protège la vie ) cette "Motte de beurre" enveloppée d'un linge blanc d'une clarté diaphane et plantée d'un couteau lui même gainé de la matière dorée, est à la fois meurtrie et mise en forme par l'outil /arme. Nous ferons le lien avec l'oeuvre "Fettdose (1963)" ( La chaise de graisse ), dans laquelle le thermomètre planté dans la graisse témoigne de l'action de l'homme sur celle ci . Ainsi cette " Chaise de graisse "  est peut être la représentation de l'homme à son stade chaotique tel un amas de matière informe / une motte de graisse/ forme  des origines.

Le couteau planté dans la " Motte de beurre " est alors équivalent au thermomètre de " La chaise de graisse" qui peut exercer une action modelant la matière première .
La forme de la " Motte de beurre "est pyramidale et l'enveloppe de tissu diaphane semble avoir donné naissance aux deux œufs sorte d'ovoïdes de lumière, de forme pure, pureté opposée à la masse grasse et informe. " La motte de Beurre" de Vollon est une composition pyramidale  et 
nous ferons le lien avec la forme pyramidale de l'enveloppe de feutre qui couvre Joseph Beuys lors de sa performance "  I like America and America likes Me ". Beuys est alors cette motte de graisse, il est lui même cette masse de matière première .
A propos de la graisse, il s'explique lui-même : " Mon intention, en utilisant de la graisse, était de stimuler la discussion . La souplesse du matériau m'a surtout attiré pour ses réactions aux changements de température . Cette souplesse est psychologiquement efficace : instinctivement, les gens l'associent aux processus internes, aux sentiments. Je voulais une discussion sur les potentialités de la sculpture et de la culture, leur signification, sur la nature du langage et de la créativité humaines . Aussi ai-je adopté dans ma sculpture une position extrême, choisissant un matériau essentiel à la vie et sans lien avec l'art. Ici, la graisse a un rapport direct avec le corps. Elle se transforme au contact de la chaleur humaine sans même qu'il ne la touche "
 " le bâton eurasien"  objet symbolique qui mêle l’Europe et l’Asie, l’Europe est le lieu de l’attitude culturelle, logocentrique, anthropocentrique, rationnelle, c’est le lieu de l’Histoire. L’Asie est le lieu de la Nature, des forces obscures, où l’animal est égal à l’homme, c’est le domaine de l’irrationnel: ce " bâton eurasien " est dans la performance  "  I like America and America likes Me " l'équivalent du couteau de " La motte de beurre" et le thermomètre de " La chaise de graisse " et le couteau " de la Raie ". 

Le corps de Beuys tout en graisse est planté du couteau/thermomètre/ bâton eurasien qui sculpte, donne une forme à l'être humain synthétisant les forces rationnelles et irrationnelles de la Culture et de la Nature . "Les oeufs"  de La Motte de beurre de Vollon sont le vivant, tout comme " Le chat " de la Raie de Chardin, "Le Coyotte " de Beuys
Antoine VOLLON  (1833–1900) né à Lyon l un peintre réaliste français
Motte de Beurre 1875–85 huile sur toile 50,2 × 61 cm National Gallery of Art, Washington, D. C., La forme pyramidale de la motte matière première

Le couteau de Vollon est la cane de Beuys et le crochet qui tient La Raie verticale, le linge blanc immaculé qui enveloppe la matière première est dans " La Motte de beurre" , La Raie, " et " Coyote"
Jean-Siméon CHARDIN (Paris, 1699 - Paris, 1779), La raie , Vers 1725 - 1726 , H. : 1,14 m. ; L. : 1,46 m. Morceau de réception de l’artiste à l’Académie.Collection de l'Académie. Pendant du tableau Le buffet, La forme pyramidale de la matière première, la Raie morte


Joseph Beuys (1921-86), I like America and America likes Me,  galerie René Block, New York, 1974, La forme pyramidale de la matière première

Joseph Beuys (1921-86), I like America and America likes Me,  galerie René Block, New York, 1974, Le Vivant

Jean-Siméon CHARDIN (Paris, 1699 - Paris, 1779), La raie , Vers 1725 - 1726 , H. : 1,14 m. ; L. : 1,46 m. Morceau de réception de l’artiste à l’Académie.Collection de l'Académie. Pendant du tableau Le buffet Le Vivant
Antoine VOLLON  (1833–1900) né à Lyon l un peintre réaliste français
Motte de Beurre 1875–85 huile sur toile 50,2 × 61 cm National Gallery of Art, Washington, D. C., Le Vivant
Cette masse de matière informe est une sorte cadavre écorché qui constitue l'élément au centre des œuvres étudiées (La motte de beurre, Coyote, La Raie) Il est enveloppé dans un suaire, un linceul


Antoine VOLLON  (1833–1900) né à Lyon l un peintre réaliste français
Motte de Beurre 1875–85 huile sur toile 50,2 × 61 cm National Gallery of Art, Washington, D. C., Le linge blanc, le suaire

Jean-Siméon CHARDIN (Paris, 1699 - Paris, 1779), La raie , Vers 1725 - 1726 , H. : 1,14 m. ; L. : 1,46 m. Morceau de réception de l’artiste à l’Académie.Collection de l'Académie. Pendant du tableau Le buffet, le suaire
Joseph Beuys (1921-86), I like America and America likes Me,  galerie René Block, New York, 1974, l'enveloppe, le suaire
Antoine VOLLON  (1833–1900) né à Lyon l un peintre réaliste français
Motte de Beurre 1875–85 huile sur toile 50,2 × 61 cm National Gallery of Art, Washington, D. C., Le couteau qui donne une forme
 Jean-Siméon CHARDIN (Paris, 1699 - Paris, 1779), La raie , Vers 1725 - 1726 , H. : 1,14 m. ; L. : 1,46 m. Morceau de réception de l’artiste à l’Académie.Collection de l'Académie. Pendant du tableau Le buffet, Le couteau qui donne une forme



Joseph Beuys (1921-86), I like America and America likes Me,  galerie René Block, New York, 1974, La cane, le couteau qui donne une forme

Ainsi nous ferons le lien avec “Le Boeuf écorché” que Rembrandt conserva précieusement jusqu’à la vente de son atelier, suite à sa faillite. La monumentale carcasse éventrée de bœuf pendu à un croc à l’étal d’une boucherie est "la Raie" de Chardin, "la motte de beurre " de Vollon, Beuys dans le feutre.

Harmensz. van Rijn Rembrandt (1606-1669), Bœuf écorché, 1655, huile sur bois, 94 x 69 cm, Paris, musée du Louvre

 Toutes ces masses de matières originelles occupent l’espace central de la scène. On aperçoit sur la gauche la tête et le haut du corps d’une femme sortant d’une pièce attenante, cela est l'élément vivant comme le chat de la raie de Chardin, les oeufs de Vollon, le coyote de Beuys, . 
Harmensz. van Rijn Rembrandt (1606-1669), Bœuf écorché, 1655, huile sur bois, 94 x 69 cm, Paris, musée du Louvre , détail de la femme en arrière plan - Le vivant

Ainsi nous ferons le lien entre cette carcasse centrale, masse de puissance et d'énergie primordiale de " L' Etude de Torse de Saint Jean Baptiste" de Rodin qui est telle un morceau de carcasse à l'étal comme la Raie, la Motte de beurre, le Coyote et Beuys  

Torse de l'étude pour Saint Jean-Baptiste
Domaine : sculpture
Auteur(s) : Auguste RODIN
Date de création : 1878 – 1887
Matériaux : Plâtre original
Dimensions : H. : 53 cm ; L. : 27 cm ; P. : 18,5 cm ; Pds. : 7,5 kg (Hors tout)
H. : 53 cm ; L. : 27 cm ; P. : 18,5 cm ; Pds. : 7,5 kg (Œuvre)


la sculpture suspendue au crochet du présentoir, telle un morceau de carcasse à l'étal comme la Raie, la Motte de beurre, le Balzac et Beuys peut être mise en lien avec " Les quartiers de boeufs " de Kounellis . Démultipliés, répétés dans ces cadres de métal, les quartiers semblent nous représenter dans notre multiplicité, comme si l'aspect unique et cenral de la Raie, de la Motte de beurre, du Boeuf, du St Jean Baptiste, de Beuys résonnait comme un écho par lequel nous sommes tous concernés .

Yannis Kounellis, 1936/2017, Grèce, Quart de beauf Barcelone Espai poublenou 1989 


Yannis Kounellis, 1936/2017, Grèce, Quart de beauf Barcelone Espai poublenou 1989 

Yannis Kounellis poursuit son lien avec l'organique  avec des installations dans lesquelles à la vitalité du feu succède l'obscure présence de la suie pendant que les animaux vivants cèdent le pas à des animaux empaillés. Le sommet de ce processus est peut-être le grandiose travail présenté aux Espai Poublenou de Barcelone en 1989, caractérisé par des quarts de bœuf fraîchement abattus, fixés au moyen de crochets à des plaques métalliques et éclairés de lampes à huile.

Yannis Kounellis, 1936/2017, Grèce, Quart de beauf Barcelone Espai poublenou 1989 


Jenny Saville, Torso 2 (2004). huile sur toile, 360 cm. x 294 cm. The Saatchi Gallery, London Contemporary Art Gallery.



«Je ne donne pas un décor à mes personnages, ils ne sont jamais dans une pièce, il n'y a pas de récit, c'est de la chair, et la peinture elle-même est le corps."


John Deakin, Francis Bacon avec deux carcasses de boeuf (1962). photographie pour le magazine Vogue. The Art Institute of Chicago.

Cette photo de " Francis Bacon avec deux carcasses de boeuf "(1962) est une éblouissante nature morte, à la puissance d'une vanité et d' un « memento mori ».  En peinture une vanité désigne une représentation allégorique de la mort, du passage du temps et de la vacuité des activités humaines. L’origine du terme se trouve dans « l’Ecclésiaste », un des livres de l’ancien testament de la Bible : « vanités des vanités, tout est vanité ».Memento mori : « souviens-toi que tu vas mourir », est un genre de création artistique (peinture, sculpture...) dont le but est de rappeler aux hommes qu’ils sont mortels et la vanité de leurs activités terrestres. 


John LeKay, This is my body, this is my blood (1987). carcasse d'agneau sur bois

Ainsi John LeKay dans cette photographie de carcasse d'agneau intitulée " Ceci est mon corps ceci est mon sang" nous rappelle dans notre propre corps la présence christique du sacrifice en lien avec le monde animal et celui de la nature dans la présentation verticale de la carcasse sur le bois, comme la raie , comme Beuys, et le Boeuf et la Motte de beurre 


Nicola Costantino, Reine Papillon. rencontre entre Nicola Costantino, Francis Bacon y Joel Peter Witkin (2011). Inkjet print. 100 cm. x 100 cm. Edition de 6.



Yasumasa Morimura, White Darkness (1994-2008). photographie, impression à la gélatine argentique
168,0 × 135,0 Taille (cm)

Depuis les années 1980, Morimura Yasumasa est connu pour ses autoportraits transgressifs qui s'identifient à des images d'histoire de l'art, à des actrices de films célèbres et à des personnages iconiques du XXe siècle. White darkness 1994 (imprimé en 2008), une partie de son ensemble d'œuvres 'Rembrandt Room', est une image troublante et puissante, montrant Morimura à côté d'une carcasse bovine écorchée, nue portant une étonnante paire de chaussures à talons hauts et d'un béret style Renaissance. Le travail se réfère le plus précisemment au Boeuf écorché qui dans la tradition de l'art est une métaphore de la crucifixion viscérale ayant pour origine la parabole du fils prodigue, et inclue dans une lignée qui vat de Rembrandt, à Francis Bacon, à Damien Hirst. À travers une série d'allusions et de subversions subtiles , l'image à plusieurs niveaux de Morimura confronte les notions d'une expression nationale, culturelle et sexuelle fixe, se présentant comme une métaphore avec un certain nombre de fils narratifs importants .
Le féminin et le masculin confondus rejoignent le monde animal de Coyote, de la Raie et le monde végétal du bois, du feutre du beurre 


Joseph Beuys, Torso [Torse], 1949/1951, plâtre, fer, gaze, bois, plomb, peinture. Collection de Céline et Heiner Bastian, Berlin. Photo de Jörg von Bruchhausen, Berlin. © Succession Joseph Beuys/ SODRAC (2015


Nous ferons le lien entre cette enveloppe de feutre de Beuys et la présence de Beuys enveloppé dans un manteau de fourrure lors de la performance " Iphigénie ", masse de matière animale, comme dans le processus de la graisse de Beuys, du gras de 'La motte " et le flasque de " la Raie "
joseph Beuys – Titus, Iphigénie 30 mai 1969 au Theater am Turm à Francfort
  
Joseph Beuys choisissant ses matériaux pour leur qualité 
de conducteur, « au travers de quoi quelque chose se meut » 
: graisse et feutre, certes, mais aussi cire d’abeille, gaze, huile, miel…Ainsi de la dramatique couverture de feutre de Joseph Beuys, qui dit l’angoisse de Saint Barthélémy que son martyre dépiauta ou du satyre Marsyas qu’Apollon dépouilla, Coyote est une Vanité, la masse d'énergie primordiale de La Raie est comme en Grèce où tout terme a une origine sacrée, véhiculée par un mythe, et divinisée par un peuple de marin, les eaux primordiales étant le flot même du chaos qui prend et relâche et transforme et reprend et recommence ..... La masse d'énergie primordiale, blanche, dorée, molle et flasque c'est la mort.
C'est la mort qui est l'espace de transmission, qui prend, transforme et rend à nouveau comme la mer et la marée . Et nous ferons alors le lien avec le vivant dans Joseph Beuys, "Titus/Iphigénie," présentée le 30 mai 1969 au Theater am Turm à Francfort à l’occasion du festival Experimenta 3


joseph Beuys – Titus, Iphigénie 30 mai 1969 au Theater am Turm à Francfort  
joseph Beuys – Titus, Iphigénie 30 mai 1969 au Theater am Turm à Francfort  

Joseph Beuys, Iphigénie compte parmi les performances les plus spectaculaires et les plus fortes de Joseph Beuys. On y voit l’artiste vêtu d’un manteau de fourrure accompagné d’un cheval d’un blanc étincelant sur une scène obscure. Le mythe et la tragédie d’Iphigénie expriment ici la liberté de chacun, la créativité de l’individu. Le Titus Andronicus (1589-92)de William Shakespeare, dont la cruauté et la violence renvoient aux crimes nazis dans le contexte de cette performance, rejoint, avec l’action de Beuys, l’Iphigénie en Tauride (1779) de Johann Wolfgang von Goethe, où l’héroïne — incarnation de l’humanité, guérit son frère Oreste grâce au pardon et à l’amour.

L’action Titus-Iphigénie tire son nom des pièces Titus Andronicus et Iphigénie en Tauride, dont des extraits sonores sont diffusés durant son déroulement. L’action a lieu sur une scène de théâtre, au fond de laquelle est placé un cheval. Joseph Beuys apparaît vêtu d’un manteau de fourrure, qu’il enlève rapidement : il imite alors le vol de l’oiseau, fait sonner deux cymbales d’airain, émet des sons gutturaux amplifiés par un microphone, crache de la graisse, donne du sucre à manger au cheval, etc.

" La compréhension de l’action implique une connaissance des pièces lui donnant son titre : si ces deux pièces traitent du thème de la vengeance, le final particulièrement sanglant de Titus Andronicus contraste avec la fin heureuse d’Iphigénie en Tauride, et permet de voir dans leur association une invitation « au passage du chaos à l’ordre, de la notion de sacrifice à celle de renaissance » – thèmes abondamment traités par Joseph Beuys.  
L’artiste, en s’associant par la fourrure et les imitations d’oiseau à un animal, évoque les transformations des rites chamaniques tartares comme la substitution in extremis d’Iphigénie par une biche sur le bûcher qui lui est destiné. L’action serait alors l’image d’une renaissance générale par l’acceptation d’une animalité positive et perdue. " Philippe Bettinelli

Peter Handke, témoin de cette action, la commente ainsi dans une critique écrite pour Die Zeit (édition du 13 juillet 1969) :
« Plus l’événement s’éloigne […], plus le cheval et l’homme qui évoluent sur scène gagnent en force et les voix qui sortent des haut-parleurs génèrent un tableau que l’on pourrait qualifier d’idéal. Il laisse le souvenir d‘une image qui semble marquée au fer rouge dans sa propre vie, une vision qui suscite chez l’homme la nostalgie et la volonté de créer lui-même de tels tableaux car ce n’est qu’en tant que reproductions qu’ils commencent à agir à l’intérieur de lui. Alors une agitation apaisée se saisit de lui s’il pense que ça va l’animer, c’est si douloureusement beau que cela devient utopique, c’est-à-dire politique. »

Nous ferons le lien avec Les Chevaux de Kounellis :

Les chevaux de Janis Kounellis à la galerie L'Attico en 1969
Les chevaux de Janis Kounellis à la galerie L'Attico en 1969

JANNIS KOUNELLIS : Depuis les années 1960, j’ai une vision de l’espace. Ainsi, l’exposition des chevaux à la galerie l’Attico de Rome, en 1969, correspond à une vision de l’espace, mais aussi à une vision du nouveau rôle de l’artiste, de sa physionomie. L’artiste devient un dramaturge.
En 1969, Jannis Kounellis, l'artiste d'origine grecque qui vécut en Italie et mourut l'année dernière, plaça 12 chevaux vivants dans la galerie romaine de Via Beccaria L'Attico. Des chevaux vivants comme une œuvre d'art? Les quadrupèdes étaient à l'aise, comme dans une étable. Il a fait un scandale. L'installation a marqué l'histoire de l'art contemporain et les limites que l'artiste et le galeriste Fabio Sargentini   

"La vanité dit d'abord la métamorphose, l'instabilité des formes du monde, des articulations de l'être, la perte d'identité et d'unité, qui le livre au changement incessant ; elle dit le monde en état de chancellement, la réalité en état d'inconstance et de fuite, et du même coup, liée à ce statut, la relativité de toute connaissance et de toute morale."
Louis Marin « Les traversées de la Vanité «


" C’est clair, lorsque certaines idées ou certaines énergies de l’homme, qui tendent à une réalisation, se heurtent à de gros obstacles et sont par conséquent freinées - comme c’est aujourd’hui le cas pour tous ces hommes qui voudraient aller plus loin mais que les circonstances quotidiennes de la vie et les systèmes politiques bloquent - il se produit tout simplement un effet de rayonnement. C’est cette volonté entravée qui rayonne. Voici aussi le sens de certaines sculptures très ramassées, denses comme les tas de feutre que j’appelle agrégats ou machines productrices d’énergie - non parce qu’elles produisent du courant électrique, mais parce qu’elles sont censées avoir ce "rayonnement intérieur ". Au sens métaphorique, bien sûr. Elles fournissent une indication sur une force qui devrait être mise en oeuvre dans chaque homme. "
Joseph Beuys, Lebeer p. 184
Beuys, Manifestation d'Auschwitz , 1956-1964
Beuys, Manifestation d'Auschwitz , 1956-1964

Heinrich Riebesehl, Joseph Beuys photographed during his performance Kukei/Akopee-nein/Browncross/Fat corners/Model fat corners at the Fluxus Festival of New Art, Technical College Aachen, 20 July 1964© Heinrich Riebesehl

Beuys, Manifestation d'Auschwitz , 1956-1964
Beuys fut aussi le premier artiste allemand à tenter de faire face à la commémoration de l'Holocauste. Sa sculpture "Auschwitz Demonstration" appartient à ce qu'il appelle ses "sculptures sociales". Dans une vitrine, ressemblant à un cabinet médical, il a placé deux blocs de graisse sur une cuisinière qui n'est pas branchée et qui est donc incapable de fournir la chaleur nécessaire pour réchauffer la graisse et la priver de sa malléabilité.



La Mort et la jeune fille Cette œuvre de Joseph Beuys a été exécutée en 1959 sur une enveloppe postale qui porte dans le coin gauche le cachet d'une organisation internationale d'ancien déportés d'Auschwitz. 
La façon dont l'artiste a travaillé donne l'impression que les personnages sont des ombres en voie de disparaître. La Mort, de son bras droit, tient la jeune fille par l'épaule; leurs têtes se rapprochent. Si cette œuvre détonne par rapport aux autres, c'est que la jeune fille - qui adopte la même position que son protagoniste - est aussi un personnage squelettique. Serait-elle déjà morte? Ou encore, une rescapée de l'Holocauste, comme semble l'indiquer le cachet de l'enveloppe? Quoi qu'il en soit, Beuys a mené le thème de la jeune fille et la Mort à son aboutissement; difficile d'imaginer, en effet, qu'un artiste puisse le pousser plus loin.
Nous dirons aussi " Comment expliquer la peinture à un lièvre mort " ?


J.S. Chardin, Lièvre mort avec poire à poudre et gibecière, vers 1730, Paris, 1699 - Paris, 1779
Lièvre mort avec poire à poudre et gibecière 
Vers 1730 
H. : 0,98 m. ; L. : 0,77 m.

La Mort est une sculpture sociale, la puissance de l'énergie vitale traverse la mort tout en lui conférant un rôle de conducteur et de transition vers tous les êtres vivants, coyote, chat, huître, oeufs, lièvre, abeilles et plaque de cuivre, charbon, feu